L'éléphant et la porcelaine*


Extrait de Desperate Football House récemment commis par Jean L. Nang, ce fragment de texe dévoile la tonalité et le rythme d’un ouvrage qui charrie déjà moult interprétations.

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Atangana Mballa porte physiquement les stigmates d'une santé de plus en plus vacillante qui le force, bien malgré lui, à prendre un peu de distance vis-à-vis des affaires quotidiennes de la Fécafoot. Néanmoins, il en a gardé tous les symboles de puissance : le bureau cossu qu'il occupait du temps de sa splendeur de secrétaire général, la voiture de service, le cocher. Il a de quoi dormir tranquille dans son palace au sommet du village de Bouéa, sur les hauteurs de Emana.
Pour lui, la Fécafoot c'est un peu sa propriété. Et pour cela, sa cour a l'œil ouvert sur ce qui n'est rien moins que sa rente. Elle lui rapporte tout ce qui se dit, se fait ou se trame pendant ses longues absences. De là-haut, il dicte la conduite à tenir à ses ouailles, distribue les rôles tel un parrain. Avec son téléphone, il est capable de mettre le feu comme de l'éteindre à Tsinga. Tout est fonction de ses intérêts. Reclus à Garoua, Iya Mohammed n'exerce pas la même influence que JR sur le personnel.

Atangana Mballa est un des seuls administrateurs qui n'a pas d'activité rémunératrice en dehors de la Fécafoot. Durant les rentrées scolaires, il mue dans la peau de gestionnaire d'un collège privé créé par son père. Mais cela ne dure que le temps des inscriptions. Ses seuls revenus officiels sont faits de ce que lui rapportent ses indemnités d'administrateur et de l'usufruit de la Fécafoot. […]
Aujourd'hui, le puissant secrétaire général qui détenait naguère tous les cordons boursiers du football, supporte de plus en plus mal sa semi retraite. Il considère sa fonction actuelle de premier vice-président comme une mise à l'écart fomentée par Iya Mohammed et ses proches. Pourtant, à y regarder de près, c'est un moindre mal, tant l'incontournable ex mériterait la potence sous d'autres cieux, après sa gestion franchement pépère et calamiteuse de la Fécafoot. Il a été et est encore de tous les coups tordus que l'administration du football camerounais connaît, en amont ou en aval: " Il tripatouille, détourne, influence et tue notre football ", dit de lui Théophile Awana, à la une de son mensuel qui porte pour titre: " J.R. Atangana Mballa et Thérèse Manguélé: assassins du football camerounais." […]

En regardant les choses avec recul et froideur, Atangana Mballa n'a pas eu d'autre choix que d'accepter le strapontin de premier vice-président que lui a jeté Iya, comme un os à un chien galeux. Il se raconte que lorsque Patrick Prêcheur s'en est allé sans crier gare, l'ancien secrétaire général, sans barguigner, s'est proposé pour sa succession. Iya a dit un gentillet mais ferme " kaï''. L'éconduit réussira néanmoins son opération de retour aux affaires par le truchement de sa nièce Thérèse Pauline Manguélé. Bien que ce fut au prix de heurts avec Iya.
On doit cependant à la vérité de reconnaître que la conclusion de ce " marché " ne fut q'un juste retour d'ascenseur. JR ne compte plus le nombre de lois où il a servi de rempart à son ami face aux assauts incessants des ministres des Sports betis, Joseph Owona et Philippe Mbarga Mboa en l'occurrence, farouchement décidés "à avoir la peau du nordiste.
Si Joseph Owona mise sur une implosion de la Fécafoot, en favorisant par mille et un stratagèmes une opposition en son sein même, Mbarga Mboa y va droit au but, bille en tête, en exigeant, au nom du gouvernement, la démission du président de la Fécafoot, le 1er juin 2006. C'est le président qui raconte la rencontre à la presse : "Le ministre m'a dit que le gouvernement a demandé que je démissionne. Je ne lui ai pas répondu sur le champ..."
La roublardise bien qu'ingénieuse, n'aboutit point.

Chaque fois qu'il a été sollicité pour " lâcher " Iya Mohammed, JR est resté insensible au chantage des ministres et sourd à leurs oracles tribales. Ce que le président a fortement apprécié en son temps. Cette fidélité au directeur général de la Sodécoton lui a tout de même valu une confiance aveugle et entraîné la gabegie qu'on lui impute aujourd'hui.
Qu'on ne s'y trompe guère cependant. Malgré les épreuves qu'ils ont traversées ensemble et qui font que pour eux la Fécafoot est leur radeau de sauvetage, Iya et Atangana se supportent aujourd'hui plus qu'ils ne s'aiment réellement. Ils passent le plus clair de leur temps à sauver les apparences en public mais ne se loupent jamais en aparté. Usure du temps certes mais aussi abondance des conflits d'intérêts. JR doit regretter aujourd'hui de n'avoir pas joué la carte du putsch que lui proposèrent ses frères ministres.

Tombi à Roko résume mieux l'état d'esprit des deux hommes aujourd'hui: " Il fait des sourires à Iya Mohammed alors qu'il rêve de le renverser. Il crée une ambiance délétère pour montrer que tout va mal..."
Toute la stratégie de guerre du premier vice-président de la Fécafoot réside là. Créer le pourrissement pour s'offrir ensuite comme le recours, la solution, le sauveur. Il pense que je l'ai remplacé dans le cœur de Iya, que je suis son arme pour lui porter le coup fatal. Il va donc me combattre, sans relâche. Jamais de front. A travers ses postiches. Il inspire leur rébellion. Tapis dans l'ombre. […]
Je comprends illico qu'il me faudra désormais serrer les fesses dans mon fauteuil. Il n'y a plus de doute, la hache de guerre est déterrée entre le premier vice-président et moi. […]

*Jean Lambert Nang in Desperate Football House, Six mois dans l'enfer de la Fécafoot, PP. 123-129

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