Ce n’est pas chaque jour qu’un avocat chante. C’est pourtant ce que vient de faire Maître Jean de Dieu Momo, avocat au barreau du Cameroun. Celui que l’on appelle souvent « avocat des veuves et des orphelins » vient de mettre dur le marché un album de cinq titres intitulé « Commandement opérationnel ». Evidemment, dans ce titre éponyme, l’auteur revient sur le commandement opérationnel instauré dans la ville de Douala au début des années 2000 avant d’être levé environ un an plus tard après de nombreux abus dont le clou n’est autre que l’affaire des « neuf de Bépanda ». Et personne n’est mieux placé que Me Jean de Dieu Momo pour en parler ; lui qui est l’avocat du collectif des familles de ces neuf jeunes gens enlevés alors et restés sans nouvelles jusqu’à ce jour.C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a donné ce titre à l’ensemble de l’album. Il explique : « C’est parce que j’aime beaucoup cette chanson qui m’est venue en tête un matin au saut du lit. Et puis j’ai voulu dédier mon tout premier album aux malheureux qui ont été massacrés par le commandement opérationnel. Vous savez, c’est une des plus grandes affaires que j’ai plaidées, dans un contexte de stress total, au tribunal militaire de Yaoundé, presque dans la gueule du loup si j’ose dire. C’est le seul dossier à ce jour après lequel lorsque je sortais du Tribunal, je m’attendais à recevoir une balle dans la tête a tout moment, et je devais m’enfoncer dans le taxi pour éviter les tirs d’un sniper embusqué. Une fois j’ai même sursauté en voyant mon ombre se profiler sur le mur devant moi, c’était quand ils avaient versé le sang et décapité un poussin pour le jeter devant mon bureau. »
Mélodie et rythme
En écoutant ce titre qui est le premier de l’album, l’on est immédiatement séduit aussi bien par la qualité de la mélodie et le rythme qui mêle allègrement reggae et sonorités locales. Ce qui en fait une musique agréable à écouter. Même si l’on ne capte pas toujours le message que l’auteur délivre essentiellement en langue locale. Un obstacle qui est cependant levé dès que l’on regarde la version vidéo de cet album. Ici, ce titre est accompagné d’une transcription des textes en français et en anglais.
Tout aussi mélodieux et agréables à écouter sont les quatre autres titres qui confirment l’engagement politique de cet avocat qui est désormais président d’un parti politique dénommé Paddec (Patriotes Démocrates pour le Développement du Cameroun). Dans le titre « Venez me tromper », il dénonce les privatisations qui ont vu les sociétés étrangères entrer dans le capital des entreprises qui étaient autrefois les fleurons de l’économie camerounaise. De la Sonel à la Regifercam en passant par le port autonome de Douala.
Dialectique
Finalement, des titres de cette œuvre musicale s’organisent suivant une dialectique bien pensée par l’auteur. Après avoir planté, avec les deux premiers titres, le décor d’une société camerounaise où « tout le monde a peur » et où il n’existe qu’une « paix de façade », il invite en conséquence dans les deux titres suivants la population à agir. Notamment en se rendant massivement aux urnes pour « prendre le pouvoir. » « Ceux qui ne votent pas votent pour les malfaiteurs », scande-t-il. Car, « ceux qui disent être neutres font plus de mal à ce pays, ils sont complices des braqueurs au crayon. » Cette invitation à aller voter, exprimée avec modération, prend des airs plus passionnés dans le quatrième titre : « Paix – Travail - Patrie ». En effet, c’est pratiquement sur un ton injonctif que Me Jean de Dieu Momo proclame « le temps pour les patriotes de prendre le pouvoir dans ce pays » comme l’ont fait les Français par exemple en prenant la Bastille. « Trop c’est trop, c’est assez, il faut arrêter » ! C’est sur ce refrain de la dernière chanson que se referme cet album qui s’écoute bien de par son agréable mélodie et ses textes collant à l’actualité. Un album qui révèle les ambitions politiques de l’auteur…
Maître Momo Jean de Dieu : Commandement opérationnel ; album en 5 titres disponible en audio et en vidéo, Momo JD production, Douala, 2011.
Écrit par Julien Chongwang
