Alain Oyono : sur les pas de Manu Dibango


Le virtuose du saxophone accompagne moult célébrités et se fraye une place de choix dans le show biz. Itinéraire.

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Juché sur son mètre 92, Alain Oyono Rodrigue, 26 bornes franchies allègrement, affiche une apparence d’enfant nonchalant. Sa silhouette longiligne, une musculature peu généreuse couplée à une démarche quasi chaloupée ne révèlent pas au pif, la bête de scène qu’il est. Visage flanqué d’une paire de lunettes d’intello, sourire en coin, Alain Oyono est un artiste au sens plein du terme. Musicien, saxophoniste, flûtiste et modestement chanteur malgré un relatif bégaiement, le fils du feu pasteur Samuel Oyono, auteur compositeur de plusieurs cantiques religieux en bulu et de Bilong Marthe, choriste de longue date, avait dès son enfantement, les germes de la musique qui sommeillaient en lui. Heureusement, son géniteur de pasteur a fait feu de tout bois pour qu’Alain Oyono apprenne à lire et à écrire la musique dès l’âge de 3 ans. Le solfège devint alors son dada. Quelques coups de fouet ont dû faire accélérer un apprentissage laborieux. Aujourd’hui, le virtuose n’a point de regrets.

En réalité, Alain Oyono Rodrigue aurait pu devenir pasteur à l’image de son feu père. Sa formation scolaire chez les missionnaires de l’école adventiste du septième jour de Maképé Maturité, où il obtient son unique diplôme (Certificat d’études primaires et élémentaires (CEPE), Ndlr) le prédisposait au métier de ministre de culte. Malheureusement ce désir ne sera pas assouvi. Sur un coup de tête, alors qu’il est en classe de 5eme à l’âge de 12 ans, il décide de ranger cartable, livres, cahiers et stylos. A 16 ans, Alain Sax comme on l’appelle affectueusement dans les milieux du show biz, a définitivement pris une option. Devenir artiste. C’est le choix du cœur et de la raison. Tant le jeune homme est piqué dès le bas âge par le virus de la musique et est moulé dans un univers familial où le chant religieux, la création occupent une place de choix. Normal pour une fratrie de six rejetons qui chantent et manoeuvrent à merveille nombre d’instruments à l’instar de la guitare. Pour sortir du lot, Alain Oyono, desservi par son bégaiement ne met pas l’accent sur le chant vocal mais tombe en pamoison du saxophone qui n’est pas très isuté dans leur église.`

10 ans de carrière

En fait sa rencontre avec le saxophone est la résultante de nombreuses écoutes des tubes de l’Américain Kennedy, saxophoniste hors pair. Son amour pour le saxophone trouve une base solide implantée à l’ombre tutélaire de son défunt père. En catimini, il visionne les clips de cet artiste américain avant d’être marqué plus tard par l’immense talent et le génie éloquent de Manu Dibango. «Manu Dibango était un mythe pour moi. C’est une façon d’être. C’est une philosophie. J’entretiens de très bons rapports avec lui. Je le considère comme mon père spirituel. Je suis son fils» Dès lors, Alain Oyono, pour paraphraser Victor Hugo qui voulut écrire des textes à l’image de son modèle Chateaubriand, «veut être Manu Dibango ou rien». En tout cas, l’immense Manu Dibango peut être tranquille et aspirer à une retraite cool, même comme dans les métiers de la création on ne va jamais à la retraite.

Alain Sax n’a pas que Kennedy et Manu Dibango comme modèles. Son frère aîné, Marcien Metogo Oyono, guitariste au doigté unique marque le flûtiste. «Lorsqu’il joue à la guitare, c’est comme s’il était dans uns espèce de bulle. J’en suis toujours émerveillé»

En 10 ans de carrière, Alain Oyono a accompagné de nombreuses célébrités artistiques de la planète, aussi bien dans les studios d’enregistrement que lors des festivals et autres shows au Cameroun ou à l’extérieur. En 2007 en Guinée Equatoriale, il est l’unique Camerounais qui prend part aux côtés des 5 Africains au master class, une rencontre entre la musique moderne et traditionnelle africaine. Il y officie, malgré son jeune âge comme…instituteur en marge de nombreuses prestations scéniques. Un an plus tard, Alain Oyono et son M3 O2 band (M3= Manga Arthur à la bass, Moussinga Denis au piano, chef d’orchestre, Mpondo à la batterie (plus tard Haoussa Drums). O2=Oyono Alain au saxophone et Oyono Marcien Metogo à la guitare, Ndlr) sont au Gabon à la faveur de Africa star, un concept de Claudy Siar.

Cesaria Evora est impressionnée par le talent fou d’Alain Oyono. Pascal Lokua Kanza fait un duo avec le virtuose. Alpha Blondy est sidéré par le génie d’un monstre du saxophone. Ticken Jah Fah Koly est subjugué par l’habileté manœuvrière d’un jeunot aux dents longues. Singuila, Amadou et Myriam ne jurent que par le nom de l’enfant terrible camerounais. Le public gabonais et panafricain n’est pas prêt d’oublier les performances exceptionnelles d’un Alain Oyono au sommet de son art. De retour de Libreville, il ploie sous le poids de diverses sollicitations. Il fait la ronde des cabarets. Manu Dibango le cueille pour le festival national des arts et de la culture (FENAC) de Maroua en 2009. Pour des spectacles de bonne facture, Alain Oyono Rodrigue devient incontournable.

Une galette en chantier

En effet, il a accompagné Henry Dikongue, Etienne Mbappé, Aladji Touré, Charlotte Dipanda, Julius Essoka, Bebe Manga, Henry Njoh, Macase, Nicole Mara et plein d’autres grosses pointures de la musique camerounaise. Sa réputation qui a tôt fait de traverser les limites du continent Noir, ébranle les Allemands. C’est ainsi qu’Alain Oyono et son frère Metogo Oyono sont requis pour faire des chansons susceptibles d’accompagner l’équipe nationale de football allemande à la prochaine Coupe du monde de football en République sud africaine. Le titre retenu est finalement classé 3eme sur 50. De l’inédit au Cameroun! Fort de ces nombreuses sollicitations non exhaustives, Alain Oyono Rodrigue ne se gargarise pas. Pas de grosse tête. La star reste lucide. Et sa tête bien au-dessus des épaules.

Des souvenirs vivaces pleuvent. «A l’occasion de l’anniversaire d’Henry Dikongue, je joue avec Etienne Mbappé au Cinéma le Wouri en 2006 devant ma mère. Henry Dikongue arrête la musique et m’embrasse fort devant maman. J’étais ému» confie-t-il en se refusant d’admettre qu’il s’agissait là d’un geste d’adoubement, de canonisation en somme. Au passage un coup de gueule. «J’ai été victime de plusieurs coups bas. A un moment, l’artiste n’est pas rémunéré à sa juste valeur. Je n’en veux à personne car la musique est le seul univers dans lequel je baigne». Clame-t-il avec une rare lucidité.

Pour l’heure, patiemment, imperturbablement, Alain Oyono cravache dur en vue de commettre dans les prochains mois son premier bébé discographique. L’orchestration de cette galette est en chantier. On espère seulement que les vedettes pour lesquelles il a apporté du sien, lui retourneront l’ascenseur au cas où elles sont sollicitées. En tout cas, Alain Oyono Rodrigue est bel et bien sur les traces de son maître. Salut le virtuose !


Alain NJIPOU

 

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