Parce que la bible et le coran sont truffés de « récriminations haineuses contre la race noire », il convient au négro-africain de se détourner du Judaïsme, du Christianisme et de l’Islam, trois religions « impérialistes » qui ont investi son espace spirituel.
C’est par cet avertissement que l’écrivain malien Doumby-Fakoly introduit son essai intitulé «Introduction à la prière négro-africaine », paru aux éditions Menaibuc en France en 2005.
Pour l’auteur, les prières que les noirs africains adressent à Dieu-le-père, à l’Eternel et à Allah sont inutiles et dégradantes, ces dieux étrangers étant indifférents à leur sort. Aussi, le but de cet opuscule de 76 pages est de faire comprendre aux négro-africains qu’il vital pour eux de renouer avec leurs ancêtres, une démarche salutaire qui seule peut les sortir de l’errance continuelle sur terre et dans le monde invisible, et faire l’essor de l’Afrique. Pour se faire, le négro-africain devra connaître les éléments de la prière qui sont l’âme, l’aura (l’ombre invisible projetée par l’âme), le double astral (le nom qui, dans le monde invisible, permet à l’être humain de rester en contact avec tout son environnement) et l’esprit divin (somme des pensées, paroles et actions exprimées et effectuées durant la vie terrestre).
Dans la pensée négro-africaine théosophe, poursuit Doumby-Fakoly, Dieu est à la fois parcelle et totalité de la création. Comme les morts de Birago Diop, il est partout : dans l’eau, dans l’air, dans la terre… A ce dieu-là, l’initié africain se contentera de rendre hommage pour la beauté de sa création, mais, en aucun cas, ne lui adressera des invocations, évocations et incantations. Toutes prières qui, pour être efficaces, doivent être destinées aux parcelles de Dieu que sont les ancêtres, les génies tutélaires et les égrégores (entités fluidiques crées par des groupes de grands initiés). Pour guider le lecteur, Doumby-Fakoly donne dix exemples de prières adressées aux entités précitées. Il enseigne que celles-ci doivent être dites en se tournant vers l’Est, dans un lieu réservé de son domicile où l’on prendra soin de brûler de l’encens, à l’aube et juste avant de se coucher la nuit.
Né en 1944 au Mali, Doumby-Fakoly est l’auteur de plus de 25 livres. Ecrivain prolixe, il a fait de la spiritualité noire son cheval de bataille, avec notamment « L’origine négro-africaine des religions dites révélées » en 2004 et « L’origine biblique du racisme anti-noir » en 2005. Son « Introduction à la prière négro-africaine » se pose comme étant la suite logique de son étude qui ambitionne de réhabiliter et vulgariser la religion négro-africaine.
Mais la plupart des noirs africains n’ont pas attendu le livre de Doumby-Fakoly pour adopter la religion négro-africaine qu’ils n’ont jamais véritablement cessé de pratiquer, concomitamment aux religions importées. Victor Bouadjio ne présente-t-il pas le culte des ancêtres dans son roman « Le Mba » comme « l’éternelle pomme de discorde de quelques deux siècles qui, debout et menaçant comme la foudre, se dresse entre les Africains et les apôtres du christ » ? On pourrait dire que prudents, les négro-africains ont misé sur le syncrétisme religieux en pariant avec Blaise Pascal que Dieu existe car « si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien».
Doumby-Fakoly
Introduction à la prière négro-africaine
Ed. Menaibuc
Paris, 2005
76 pages





