Economía y Comercio
Musique : Justin Bowen dans une rivière de crevettes
Son album, Rio dos Camaroes, est un cocktail de sonorités puisées dans la tradition camerounaise.
Eugène Dipanda
Ceux qui avaient pensé qu'il n'oserait pas franchir le pas se sont mis le doigt dans l'œil. Alors que Justin Bowen, le célèbre pianiste camerounais, s'était jusque-là montré très réticent à mettre un album sur le marché du fait de la "piraterie" (contrefaçon), il vient de prendre tout le monde au dépourvu. Depuis quelques semaines, l'album Rio dos Camaroes est en effet dans les bacs. Un double album, en fait, comme pour marquer les esprits à la faveur de ce come-back. Et comme il fallait s'y attendre, l'artiste y accorde une place prépondérante à l'instrumental. A travers la vingtaine de titres, son piano est omniprésent. Plus dominant, en tout cas, que les guitares bass de Vicky Edimo, André Manga ou Tebate ; ainsi que celles rythmiques de Jacky Arconte, Bobby Nguimè, André Marie Tala ou Jean Paul Ndongo.
Ne parlons pas des percussions de Valerie Lobe et Roger Raspail, qui se ressentent juste dans quelques titres comme "Bikutsi Show", une magnifique reprise, dans une formule light, du célèbre tube dansant d'Atebass. Pour Rio dos Camaroes, Justin Bowen a en effet replongé dans les tréfonds de la tradition camerounaise, pour extirper la substance d'une musique qu'il voudrait universelle. Sans distinction, les textes sont en même temps chantés, en duala, en bassa, en bamiléké ou en ewondo. Pas que Justin Bowen soit devenu subitement polyglotte. Dans son album, l'artiste chante d'ailleurs très peu. Il a sollicité et obtenu les services de certains de ses confrères pour y arriver. Et le casting n'est pas des moindre ! Tenez : Queen Etémé, Vicky Edimo et Charlotte Mbango forment un exceptionnel trio de "Backgrounds Vocals", qui ravit presque la vedette à Justin Bowen.
Doigté
Quoique modernisés avec des relents jazzy, les rythmes ont conservé une partie de leurs couleurs traditionnelles dans Rio dos Camaroes. Les titres comme "Mangassa", "Tene Family" ou encore "Nkosso Blues", par exemple, ont une certaine saveur des cadences de la région grassfield. Hormis Atebass, le truculent bassiste du groupe Les têtes brûlées, Justin Bowen rend une sorte d'hommage à certains de ses confrères aînés dont il a magistralement repris des chansons à succès. Il s'agit notamment des vieux briscards Jean Bikoko ("Aladain") et de Tokoto Ashanty ("Dikendis"). A plusieurs égards, Justin Bowen pourrait d'ailleurs se revendiquer de l'école de ces "baobabs" de la musique camerounaise. L'homme, depuis plus d'une décennie, ne cesse en effet de gravir des marches dans les milieux de show-biz.
Au point où, grâce à ses nombreuses apparitions dans le milieu du Jazz de haut niveau, il a vite appris le métier de la grande scène et s'est spécialement produit au contact des célébrités comme Manu Dibango, Herbie Hancok, Miles Davis, Nougaro, Carla Blay ou Dave Brubeck. Des expériences et bien d'autres, qui transparaissent forcément dans la qualité de son œuvre. Oui, de spectacles aux pianos bars, en passant par la réalisation et l'arrangement des albums, Justin a grandi. Sur le site Internet de l'artiste, il est d'ailleurs clairement indiqué que "Aujourd'hui, Justin est toujours amoureux de son piano blanc et sa passion a grandi. Non seulement il continue les tournées, le piano bar, mais il a son propre studio où il travaille aussi bien à des musiques de film ou de pub qu'à pousser sa création musicale dans un style unique par l'auto production de son nouvel album".
Repères
Double album : Rio dos Camaroes
Auteur compositeur : Justin Bowen, avec Sonny Rollings, Atebass, Jean Bikoko, Tokoto Ashanty…
Production : Justin Bowen Tchounou
Rythmes : variétés, jazz, folklore
A écouter : St Thomas, Bikutsi show, Dikendis, Village song…
Guest stars : Queen Etémé, Vicky Edimo, Charlotte Mbango