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Musique : La couleur café de Yvette Bassega
Le premier album de la jeune camerounaise est un déroutant pot pourri de sonorités africaines.
Marion Obam
C'est une voix forte, celle de Serge Epoh. Surgie des profondeurs de la forêt, et comme un tam-tam, elle annonce et présente "Couleur café" aux mélomanes, sous la forme imagée d'un conte. A partir de cet interlude dénommé "l'heure du conte", le positionnement est clair. On ne sortira pas des percussions africaines tout au long des treize titres du premier album de Yvette Bassega. Et ce n'est pas plus mal. De Temps en temps, la guitare, le piano et la batterie viendront apporter une dynamique à la cadence du départ, mais on découvre avec beaucoup de bonheur que la voix et un simple battement de mains peuvent aussi, sans fausses notes, suppléer admirablement aux instruments modernes.
Cette ballade folklorique est un fleuve de découverte des rythmes bantous, où Yvette Bassega, avec sa voix suave et mélancolique, présente des tranches de vie quotidiennes ; mais aussi, dresse un pont entre les richesses culturelles et les habitudes modernes qui nous détournent de notre identité. Pourtant, tout cela est orchestré avec goût. Pour laisser le temps d'apprécier, l'album est dans une structure particulière. Il y a des intermèdes après chaque deux ou trois chansons. Ils ne sont pas, heureusement, inscris dans le même registre. Après l'heure du conte, Yvette Bassega dans "Yeglé yeglé", mêle le français et l'anglais avec une choriste, pour réaffirmer uniquement à l'aide de leurs voies nettes et propres "qu'elles ne veulent en aucun cas changer leur identité". Puis, ce sont divers bruits de la forêt, les cris d'oiseaux, les bruissements de feuilles d'arbre, les croassements des grenouilles, etc., qui s'associent aux claquements des mains de l'artiste, dans "Gwet", pour relater les premiers pas des jeunes filles pubères dans le monde des "grands".
Dans "Couleur café", Yvette Bassega, les doigts posés sur son orgue, accompagnée de bassiste, de contre bassiste et de percussionnistes, distille une musique engagée, très rythmée, et dont la substance a l'air de sortir des profondeurs de la philosophie africaine, comme des contes, les légendes, les mythes et les berceuses. Le premier album de l'"Epi d'or de la chanson universitaire" en 2003, est en effet un savant mélange de Blues et de jazz, principalement dans les titres "Woman Tears" et "Couleur café". Puis, dans les titres "Lilagal", "Nsan Bai" et "Bolo Yanga", arrive un style plus heurté, compilés aux rythmes du makunè et du mahongo si chères aux peuples bassa du Cameroun.
Un léger saupoudrage de Bolobo et l'Essewé viennent par ailleurs donner une couleur sawa au travail de Yvette Bassega, qui a marqué cet album d'une empreinte musicale forte, en harmonisant notamment le piano et les instruments de musique traditionnels. Elève de Eko Roosevelt, Yvette Bassega a d'ailleurs invité le vieux briscard dans son album. Ils y forment un duo d'une grande qualité, rehaussé par un groupe d'instrumentistes talentueux, à l'instar de Calvin Yug et Stéphane Ekongolo. Entre tradition et modernité, on peut donc conclure que Yvette Bassega a trouvé sa voie.
Repères
Album : Couleur café
Auteur compositeur : Yvette Bassega
Sortie : Juillet 2007
Producteur : Yvette Bassega
Nombres de titres : 13
A écouter : Bolo Yanga, Nsan mbai, Couleur café, Sai, Woman Tears,