Nécrologie : Lucky Dube, le dernier combat


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Le chanteur sud-africain a été abattu par des gangsters en fin de semaine dernière.
Eugène Dipanda

Il avait jusque-là tenu bon, face la vague de mécontentements suscités par son engagement. Le "combattant" Lucky Dube, ce grand homme aux longs dreadlocks et à la barbe hirsute, a finalement passé l'arme à gauche au moment où l'on s'attendait le moins. Le chanteur sud-africain de reggae a été tué par balles jeudi, 18 octobre dernier à la tombée de la nuit, au cours d'une tentative de vol de son véhicule à Rosettenville, une banlieue de Johannesburg. Selon divers témoignages, l'artiste âgé de quarante-trois ans, est mort sur le coup, touché, dit-on, en plein thorax par les tirs de malfaiteurs devant ses deux enfants.
L'un des trois grands chanteurs africains de reggae, avec les Ivoiriens Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly, ne chantera donc plus. Il laisse à la postérité un riche répertoire constitué par vingt-et-un albums, dont le célèbre "Prisoner" sorti en 1989, et dans lequel Lucky Dube, scandalisé par l'ampleur de la violence en Afrique du Sud, tentait de raisonner les criminels. Un pari fou, dans un contexte de ségrégation humiliante où la moindre prise de parole par un Noir, fut-il super star, était passible de peine de mort.

Pendant près d'une trentaine d'années, Lucky Dube n'aura pourtant pas lâché prise. Partout en Europe, en Afrique et aux Etats-Unis, il a prêché la paix, l'amour du prochain et la réconciliation dans une Afrique déchirée par la haine, la guerre, la pauvreté et la maladie. Un engagement remarquable et une musique entière, qui lui ont permis de décrocher plusieurs prix sur la scène internationale. Jusqu'à sa mort, Lucky Dube est d'ailleurs le seul artiste sud-africain à avoir signé sous le fameux label américain Motown. Il a débuté sa carrière en 1982, avec la sortie de "Mbaqanga", musique zouloue traditionnelle. Et c'est en 1984 qu'il opte définitivement pour le reggae. "Rastas never die", le premier album qu'il commet dans ce genre, est censuré par le régime de l'apartheid alors dirigé d'une main de fer par un certain Peter Botha. Mais, cette mesure aura plutôt le chic de renforcer le capital de sympathie des mélomanes vis-à-vis de l'artiste. Lequel sera dès lors considéré comme un véritable "Bob Marley africain".

Dans la plupart des pays où le reggae a une forte présence, de nombreux fans de Lucky Dube ont exprimé leur douleur à travers des forums de discussion sur Internet. Le décès brutal de Lucky Dube vient, en effet, rallonger la liste des célèbres rastas assassinés alors qu'ils étaient au summum de leur art. Quelques années avant lui, une autre star planétaire du reggae, Peter Tosh, faisait les frais de cette même violence. Ce compagnon de Bob Marley a été froidement assassiné le 11 septembre 1987 à son domicile. Six mois avant l'assassinat de Carlton Barett, le batteur des Wailers, abattu lui aussi par des tueurs à gage. Une violence aveugle et gratuite, et des crimes jusque-là non élucidés.
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