Meinrad Hebga fut honoré de son vivant


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Le célèbre théologien, père jésuite, philosophe, exorciste et homme de culture décédé lundi à Paris, à l’âge de 80 ans, a été célébré l’an dernier à Douala. Dans le cadre de l’hommage que lui rendait les anciens élèves du collège Libermann de la période allant de 1952 à 1965.

C’est une figure emblématique de l’intelligentsia et de l’Eglise catholique du Cameroun qui vient de tirer sa révérence. Membre de la compagnie de Jésus, le Père Meinrad Hebga a marqué des générations d’hommes et de femmes de son pays natal, de l’Afrique et d’autres continents pendant ses 80 années de vie terrestre. Fils de catéchiste et prêtre diocésain à 23 ans, Meinrad Hebga a mené une vie intense au service de Dieu et de son prochain. Par le service des démunis et des malades. Par la pensée et l’action. Par des prières de délivrance et de guérison. Par des réflexions et travaux remarquables ayant eu un impact significatif sur l’évolution de la pensée durant le XXIème siècle. N’est-ce pas dans ce sens qu’un institut académique américain (l’American biographical institute) l’a distingué en lui décernant le titre de l’homme de l’année en janvier 2006 ?

Prémonition
Les anciens élèves du collège Libermann de la période 1952 à 1965, qui ont organisé les 19, 20 et 21 avril 2007 des cérémonies d’hommage au Père Meinrad Hebga à Douala, avaient-ils pressenti un malheur ? Se doutaient-ils de ce que le Père jésuite camerounais, un peu fatigué et souffrant de diabète, pouvait rendre l’âme d’un moment à l’autre ? Rien n’est moins sûr. Les organisateurs de l’hommage au prêtre exorciste, théologien, philosophe et homme de culture camerounais entendaient surtout rompre avec une pratique courante. Celle qui veut qu’on attende le décès des personnalités pour leur rendre un hommage qui aurait pourtant été plus intéressant de leur vivant. Ils ont voulu permettre aux compatriotes de participer à un devoir de mémoire et de conservation de patrimoine. A travers un heureux événement autour du “ parcours de cet homme exceptionnel, dont la vie chevauche deux siècles, vaut une exégèse de son vivant. Il peut expliquer, s’expliquer, témoigner, partager, pour que l’on comprenne que son œuvre contient une part de l’histoire du monde dans son rapport avec l’Eglise, la foi et les valeurs humaines et les angoisses existentielles de l’homme, jamais apaisée. Ni par la science, ni par la foi. Que l’on s’interroge sur la continuité d’un travail et cette “ enculturation ” dont il fut l’un des premiers théoriciens ”.
Rappelons que le jeudi 19 avril 2007, à Douala, les chefs traditionnels Sawa, avec à leur tête le président en exercice du Ngondo, Salomon Madiba Songué, élevaient le Père Meinrad Hebga à la dignité de téméraire pagayeur du Ngondo. Une distinction honorifique matérialisée par le ceint du pagne et la remise de la pagaie au récipiendaire. La pagaie symbolisant l’eau, l’effort, le dynamisme et la liberté. La reconnaissance de la valeur de cet homme d’Eglise et de science par l’assemblée traditionnelle de chefs Sawa au palais Mukanda, à Akwa, mettait en exergue son rôle dans la valorisation de l’identité et de l’histoire africaines.
Le vendredi 20 avril 2007, une conférence se tenait à la salle Tobie Kuoh de l’hôtel de ville de Douala, à Bonanjo. Philosophes, anthropologues et hommes d’église avaient présenté des exposés et débattu de la contribution du Père Meinrad Hebga dans l’émergence d’une église et d’une théologie africaines. Ainsi que sur les positions du père jésuite camerounais sur d’autres sujets d’actualité concernant l’Eglise en Afrique, le développement du continent et le génocide rwandais. Une messe pontificale en l’honneur de Meinrad Hebga se déroulait le samedi 21 avril 2007, en la cathédrale Saints Pierre et Paul de Bonadigong, à Douala. Messe au cours de laquelle des personnalités d’horizons divers firent d’importants témoignages. En plus d’un concert de musique religieuse, une soirée de gala avait constitué le clou des manifestations. Avec à la fin, l’élévation de Meinrad Hebga au rang de grand Mbombog, une haute dignité du peuple Bassa.
Par ailleurs, un ouvrage collectif rédigé par de brillants universitaires camerounais et africains avait été présenté au public. Un livre de référence en hommage à l’homme de science et d’Eglise. Pour son œuvre immense et dense. Notamment la portée scientifique, historique, culturelle, théologique et philosophique de ses écrits. Lors de l’hommage qui lui avait été ainsi rendu, le Père Meinrad Hebga n’avait pas caché ses émotions : “ Je remercie tout le monde, tous ceux qui de près ou de loin ont bien voulu me rendre cet hommage. C’est une bonne initiative, même si cela arrive un peu tard. Vous avez posé un acte dont beaucoup se souviendront. Pour la jeunesse surtout, c’est une manière de leur montrer qu’on peut réussir à force de travail. Je passe mon temps depuis plusieurs années déjà à former les jeunes qui pourront par exemple continuer le travail sur la prière de guérison. Je continue d’écrire des ouvrages. J’espère que j’aurai la force de les terminer. Si j’ai un message pour la jeunesse, c’est celui de l’espoir. Je suis vraiment heureux d’être ainsi célébré par mes compatriotes avant ma mort. C’est une chose qui n’arrive pas tous les jours (…) Merci à tous ”, avait conclu le Révérend Père Hebga. Un grand homme de foi qui disparaît à l’image d’une bibliothèque qui brûle.

Edmond Kamguia K.

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