Le témoin à la carte d’identité périmée


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Affaire Crédit foncier : Le témoin à la carte d’identité périmée

Jean Marie Momo défendait ses confrères experts comptables tandis que Booto à Ngon réclamait des Wc.
Jean Baptiste Ketchateng

Il n’y avait que l’accusé qui semblait résister au fou rire qui a secoué la salle d’audience dès lors que l’intrigue qui guidait le jeu de questions du procureur de la République s’est dévoilée. Mais au fur et à mesure que l’accusation déployait son jeu hier devant le tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé, il était difficile de ne pas être du côté des rieurs. Puisque Jean Marie Momo, le témoin présenté par l’accusé Côme Tienta, expert-comptable accusé d’avoir trempé dans les détournements de deniers publics au Crédit foncier, possédait une carte d’identité… périmée.

" Quelques jours de péremption auraient pu être tolérés. Mais un an ! Il y a des implications juridiques importantes car entre temps, il peut avoir changé de nationalité. Il peut avoir changé de nom. On peut avoir affaire à un imposteur dans une affaire aussi grave que celle que nous traitons ", a laissé entendre le procureur. Le témoin jurait pourtant de la permanence de son identité " qui n’a pas changé ", tout en reconnaissant la péremption de sa carte.
Pourtant, M. Momo, qui préside l’Ordre national des experts comptables du Cameroun (Onecca), n’était pas au bout de ses peines. D’après le procureur de la République, sa présence aux côtés de ses confrères n’a pas souvent porté chance à ceux-ci. Triste augure pour Côme Tienta et Charles Kooh II, les deux experts poursuivis, a encore estimé le représentant du parquet en rappelant les condamnations prononcées dans l’affaire Sic contre deux experts-comptables : Dieudonné Leuzeu et Claude-Bernard Messy.

Procédure
M. Momo en rétorquant qu’il n’avait pas pu témoigner en faveur de ces derniers en raison d’une erreur de procédure imputable aux avocats des accusés, a voulu reporter l’échange sur le terrain de la connaissance des règles professionnelles et déontologiques de l’expertise comptable. Sur ce chapitre, le tribunal lui a alors posé la question de savoir s’il était acceptable, au regard de la déontologie de sa profession, qu’un expert comptable puisse fournir d’autres prestations que l’expertise comptable à un client auquel il est contractuellement lié. Pour Jean Marie Momo, l’expert-comptable qui agit dans le cadre d’une mission de commissariat aux comptes a l’opportunité d’évaluer la tâche à accomplir de prime abord et s’entendre à ce sujet avec son client. Il peut aussi suggérer d’examiner au fur et à mesure les problèmes parce qu’il peut avoir une mauvaise surprise, a en substance expliqué le témoin. Pour le tribunal cependant, il s’agissait d’une réponse hors sujet. D’où la reconduction de la question qui n’a cependant donné lieu qu’à des explications supplémentaires.

Or, la question des marchés qu’auraient gagné au Crédit foncier les experts comptables accusés est au cœur des poursuites. Aussi, soulignera l’accusation, Côme Tienta et Charles Kooh II auraient de la sorte perdu leur indépendance. Au point de couvrir des détournements de plusieurs centaines millions de francs Cfa. André Booto à Ngon, le Pca déchu et poursuivi du Crédit foncier, en présentant sa défense dans ce volet des débats a d’ailleurs rappelé quelques-unes d’entre elles : 163 millions en missions fictives, 50 millions de surfacturations des honoraires, 117 millions de bénéfices fictifs distribués, le tout caché par de faux bilans. Le fond de la défense de M. Booto à Ngon a consisté en une phrase : " Il n’y a aucune infraction personnelle imputable à [ma] personne ". L’ex-Pca qui a regretté et retiré les mots fâcheux qu’il a pu prononcer contre le procureur de la République a en outre prié les autorités de prévoir des toilettes pour les justiciables-la salle d’audience exhale en effet des odeurs d’urine des prévenus- dont certains comme lui sont obligés de traverser la rue pour se délivrer de besoins naturels.
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