Calabar : les Camerounais sevrés de leur fête


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Rétrocession de Bakassi

La majorité des Camerounais privée des fastes de la cérémonie du transfert d’autorité. Les autorités nigérianes ont voulu éviter le choc avec des forces hostiles au droit. Le Cameroun doit s’arranger à sécuriser lui-même Bakassi.

Transfert définitif d’autorité de Bakassi au Cameroun. C’est aujourd’hui, 14 août 2008, le grand jour. Il y a deux ans, la cérémonie marquant la première étape de la rétrocession de la presqu’île s’était déroulée à Akwa, à Bakassi, en toute solennité. On avait alors vu le drapeau tricolore se fixer, s’élever, puis flotter sur la péninsule. C’est fut un symbole fort de restauration de l’autorité du Cameroun sur cette partie du territoire où sa souveraineté était contestée avant l’arrêt de la Cour internationale de Justice de La Haye du 10 octobre 2002.
Pour cette seconde étape de la rétrocession, les Camerounais s’attendaient presque au même cérémonial : retrouvailles à Djabane, la dernière localité de Bakassi de laquelle le Nigeria doit se retirer, descente du vert-blanc nigérian, montée du vert-rouge-jaune camerounais, procession militaire et administrative camerounaise pour marquer le retour effectif de son autorité sur le lieu. Hélas, les quelque 17 millions de Camerounais qui ont souffert à l’idée de savoir qu’une partie de leur territoire était occupée de force et qu’elle leur est revenue par la force du droit, ne verront pas ces images. Tout va se jouer à Calabar, au Nigeria.

Une cérémonie nigériane
Pour le gouvernement camerounais, le changement du lieu de la cérémonie (de Djabane pour Calabar) n’aurait pas un impact sur l’objectif visé (le retour de l’autorité du Cameroun sur cette partie du territoire). Mais au sein de l’opinion, cela sonne comme une fausse note. Parce que l’information est parvenue au Cameroun tard (lundi en mi-journée), les nombreux citoyens qui comptaient se rendre à Bakassi pour assister à l’événement ne pourront plus faire le déplacement pour trois raisons au moins : d’abord le déficit des moyens de transport maritime et aérien, ensuite le coût élevé du déplacement, et enfin les conditions de sécurité par voie terrestre.
Le bateau commercial qui fait la ligne Douala – Calabar a accosté hier dans la capitale économique ; il ne repartira que lundi prochain. Sur la voie aérienne, il n’y a pas de liaison directe Douala – Calabar. Il faut d’abord passer par Lagos ou Abuja. Ce qui fait un coût global d’environ 600.000 Fcfa (aller et retour) pour celui qui tient à arriver à Calabar pour cette cérémonie ! La voie routière aurait été l’idéal pour les petites bourses, l’essentiel étant d’arriver à Ikang, première grande localité nigériane après Bakassi, qui est à une trentaine de minutes de route de Calabar. Mais les poches d’insécurité sont nombreuses sur ce trajet, les rebelles du delta du Niger et autres assaillant qui ont souvent attaqué l’armée camerounaise s’étant implantés dans la zone. On risque donc d’avoir une cérémonie nigériane au Nigeria, avec une « faible colonie » camerounaise. Or en Afrique, la force et le faste d’une cérémonie, c’est aussi son caractère populaire.

Eviter l’impasse sécuritaire
Au-delà de la participation, de nombreux Camerounais s’interrogent déjà sur le choix et les enjeux d’une cérémonie aussi symbolique à Calabar au Nigeria. L’une des raisons évoquée par le gouvernement camerounais lundi dernier, c’est que le gouvernement fédéral nigérian qui devait assurer la sécurité n’était pas sûr d’en maîtriser tous les paramètres. A la vérité, les rebelles, pirates et autres bandits qui sévissent dans cette zone donnent souvent des sueurs froides au gouvernement fédéral. Il y a quelques jours, le groupe des assaillants battus par l’armée camerounaise lors de la dernière attaque à Kombo à Janéa avait assuré qu’un assaut serait lancé si la cérémonie se déroulait sur place à Bakassi. Ainsi, le changement de lieu se comprend comme une peur du gouvernement nigérian de ne pouvoir maîtriser ces assaillants. Cette attitude, si elle n’est pas une sorte de caution, leur ferait probablement pousser des ailes. Le gouvernement camerounais continue à s’appuyer sur la présomption de bonne foi du gouvernement nigérian. Mais l’attitude du géant voisin pourrait se comprendre autrement : « Vous avez tant désiré que l’on vous retourne Bakassi, voilà c’est fait, débrouillez-vous à y assurer la sécurité vous-mêmes ». Une manière bien diplomatique de refiler la patate chaude à Yaoundé !
Que va-t-il maintenant se passer au plan sécuritaire à Bakassi après la cérémonie de Calabar ? Nul ne peut véritablement le prédire. Ce que l’on sait c’est que les assaillants avaient affirmé qu’ils ne laisseront jamais la presqu’île en paix tant que le gouvernement camerounais ne discute pas avec eux. Mais la confiance semble revenir au sein de l’opinion, qui est au courant de la matérialisation de l’autorité camerounaise à Bakassi par la création des unités de police et de postes de commandement civils. Cela suffit-il ? Probablement non. Il est plus qu’urgent de renforcer les équipes de la marine nationale pour riposter encore plus efficacement aux attaques éventuelles.
 

Par Marlyse SIBATCHEU
Le 14-08-2008

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