Affaire Diboulé : Tous les accusés libérés


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En raison d'un vice de procédure les juges ont décidé hier à Yaoundé qu'ils comparaîtront libres.
Jean Baptiste Ketchateng

Le tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé a décidé hier mercredi 5 novembre de remettre en liberté les 22 accusés de l'affaire Grégoire Diboulé, du nom de ce militant du Sdf assassiné à Yaoundé le 26 mai 2006, alors que ce parti vivait une crise scissionniste. Les trois magistrats qui composent le collège des juges dans cette affaire ont également annulé les poursuites à l'égard d'un accusé, Mbatt Justice Mbah, en raison de l'irrégularité des actes de l'instruction qui l'ont renvoyé devant les juges.

Ce premier jugement, avant de dire le droit sur le fond de l'affaire selon la formule consacrée des juristes, constitue une petite victoire pour les accusés qui demandaient cependant bien plus au tribunal. Arrêtés le 26 mai 2006, placés sous mandat de dépôt à la prison de Kondengui deux mois plus tard le 10 juillet, 23 militants du Sdf (seul le 24ème accusé John Fru Ndi, président du Sdf, comparaissait libre), les accusés demandaient en effet que l'enquête préliminaire de la gendarmerie soit annulée. Ainsi que l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction. Les juges ont rejeté ces deux demandes parce qu'elles étaient " non fondées ".

Toutefois, le tribunal a jugé que la prorogation de l'ordonnance de détention provisoire effectuée durant la phase d'instruction avait violé le droit. C'est d'ailleurs sur la base de cet argument qu'il a ordonné la mise en liberté de tous les accusés détenus en raison de cet acte du juge d'instruction. A la grande joie du colonel à la retraite James Chi Ngafor qui, avec ses 20 compagnons de galère (deux sont en effet décédés entre temps), pouvait retourner à la prison uniquement pour retirer ses effets vestimentaires qui s'y trouvaient encore.

" Nous avons atteint six mois de détention provisoire le 10 janvier 2007, expliquait d'ailleurs M. Chi Ngafor, il y a sept mois dans les colonnes de votre journal. " Pour dénoncer l'injustice qui les frappait ses camarades et lui, le militaire à la retraite s'expliquait dans un mémorandum ventilé aux autorités, aux chancelleries occidentales comme aux organismes de défense des droits de l'homme. Le 30 janvier 2008, concluait alors la figure de proue des détenus de l'affaire Diboulé, les différentes voies légales pour juger les personnes auxquelles la justice reproche d'avoir trempé éventuellement dans cette mort s'étaient fermées.

Les juges qui ont annulé l'acte du juge d'instruction prorogé en juin 2007 et en janvier 2008 lui ont donc donné partiellement raison en le remettant en liberté. Tout comme ils ont annulé les poursuites contre le sourd et muet Mbatt Justice Mbah, jugeant qu'il n'était pas possible de dire que cet accusé avait pu être valablement renvoyé devant le tribunal. Ses avocats avaient en effet noté que le juge d'instruction n'avait pas pu entendre l'accusé sans un traducteur.
" Peut-on dire que le droit pour mon client d'être inculpé a été respecté ? Sinon comment et où a-t-on consigné ses déclarations ? Le juge d'instruction a dit que Justice Mbah semblait vouloir dire qu'il vient de loin et qu'il ne savait pas pourquoi on l'avait arrêté. Mais il a fait un travail pour lequel il n'était pas qualifié…

Le juge d'instruction a dit qu'il n'avait pas été à l'école [des sourds] et que même si un spécialiste avait été appelé, il n'aurait pas pu faire des déclarations. Pourtant, l'ordonnance de renvoi dit que ses dépositions sont contredites par ses propres déclarations ! Et il vient de discuter avec l'interprète [requis par le tribunal] ! ", avait observé un de ses avocats pour noter la contradiction de l'acte procédural, avant de demander la mainlevée du mandat de dépôt qui avait fait écrouer Mbatt Justice Mbah à la prison de Kondengui. Dès lors, au regard de la décision du juge, M. Mbatt Justice Mbah se retournera-t-il contre l'Etat du Cameroun ? En attendant la reprise de l'audience le 3 décembre prochain Bernard Muna, qui menait la barque de la dissidence qui a causé la mort de Grégoire Diboulé qui aurait été tué au cours d'une bagarre entre militants des deux factions du Sdf, et les autres représentants de la partie civile, ont accueilli le jugement du tribunal comme un gage de l'équité qui devra caractériser la suite de l'affaire.

La liste des accusés libérés
1) Nembot Zacharie, né le 14 janvier 1955 à Bafoussam de feu Kamdem Samuel et de Tsewe, domicilié à Emombo-Yaoundé, agent de sécurité au Pmuc
2) Mbah Elias, né le 19 avril 1944 à Moghamo de Tita Aloys et de Ibatu Mary, militaire retraité, domicilié à Etoug-Ebé-Yaoundé
3) Asaah Philippe Che, né le 28 décembre 1949 à Santa (Bamenda), fils de Philip Che et de Emilia Azoh, militaire retraité, domicilié à Essos face Elise-Bar-Yaoundé
4) Simo, né le 1er janvier 1958 à Bayangam, fils de Foguem et de Kuisseu, vendeur à la sauvette, domicilié à Okillio Messa-Assi-Yaoundé.
5) Fonke Nganje, né le 14 décembre 1949 à Mbeba, fils de Nganje Aloys et de Nguenda Julienne, agent des postes et télécommunications domicilié à Obili.
6) Sama Asanji Christopher, né le 09 janvier 1968 à Mbengui de Nganje Aloys et de Nguenda Julienne, planteur domicilié à Bamenda.
7) Godheart Siyen, né vers 1956 à Jakiri (…), fils de Ibrahim Tarla et de feue Adiba Bongwun, maçon domicilié à Jakiri.
8) Ngu Mbahaning John, né vers 1945 à Njidom, fils de feu Mbahaning et de Anwi, planteur domicilié à Njindong.
9) Nwah Fomujang Emmanuel, né le 22 décembre 1981 à Tiko de Fomujang Jonathan et de Bertha Ngu, domicilié à Mbengwi
10) Bayong Abraham, né vers 1952 à Ku (Mbengwi), fils de feu Anyam et de Akui, planteur, marié, 05 enfants.
11) Touoyom Jean, né vers 1949 à Bamessingue de feu Tchinda et de Keuleye Marie, manœuvre, domicilié à Melong, marié, 08 enfants.
12) Edward Mokam Ndi, né le 02 decembre 1958 à Mbei (Santa) de feu Ndi Ngufor John et de Neh Hellen, électricien, domicilié à Santa, marié, 07 enfants.
13) John Nchinda, né vers 1957 à Santa (Bamenda) de Foba John et de Monica Nkeubeu, sans profession, domicilié à Santa, marié, 11 enfants.
14) Kom Mokto Innocent, né vers 1964 à Bayangam de Mokto Michel et de Mopo Elisabeth, ethnie bamiléké, maçon, domicilié à Bayangam, marié, 09 enfants.
15) Tarete Robert Asawji, né vers 1964 à Mbengwi, fils de Tarete Philip et de Alice Salomé, sans profession, domicilié à Mbengwi (Bamenda), marié, un enfant.
16) Tedongmo David, né vers 1940 à Matessong (Mbouda), fils de Yemeli et de Madiewe, planteur, domicilié à Melong, marié, 11 enfants.
17) Kenah Joseph, né le 06 août 1972 à Achem, fils de Lucas Degha et de Estha Chucha, menuisier, domicilié à Bonakouma Essimbi, marié, 03 enfants.
18) Chi Ngafor James, né le 27 novembre 1940 à Akum, fils de Ngafor et de Affah Christian, colonel retraité, domicilié à Mbog Abang-Yaoundé, marié, 03 enfants.
19) Fopa Dieudonné, né le 25 avril 1967 à Kumba de Tedonzong Marcus et de Marcelline Mafor, sans profession, domicilié à Carrière-Yaoundé, marié, 03 enfants.
20) Agwanja Mathias Ajetoh, né le 14 mars 1969 à Itwdy, fils de Atonga Agwanje Mathias et de Paulina Agwanje, menuisier domicilié à Emana, marié, 03 enfants.
21) Kughong Chia Johnson, né le 02 février 1966 à Abuh, fils de Kughong Chia et de Tisiwuni, tôlier, domicilié à Nkongsamba, marié, 06 enfants.
22) Fonsoh Peter Fon, né le 06 juillet 1956 à Nindom (Mbengwi), fils de Fowsoh et de Atam, planetur domicilié à Mbengwi, marié, 05 enfants.
23) Mbatt Justice Mbah, né le 09 janvier 1966, fils de Mbatt Levis Tibong et de Francesca Mben Mbatt, tailleur, sourd et muet.
Tous inculpés de coaction d'assassinat, blessures simples et blessures légères et détenus suivant mandat de dépôt du 11 juillet 2006, prorogé suivant ordonnances des 31 janvier 2007, 30 juillet et 30 janvier 2008.


N.B. : John Ngu Mbahaning (2006) et Innocent Kom Mokto (4 Octobre 2008), décédés, se sont quand même vus délivrer un ordre de remise en liberté le dossier ne contenant pas leurs actes de décès.
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