Le président français va-t-il perpétuer à l'Elysée les pratiques népotiques souvent décriées sur le continent noir ? Mamane, l'humoriste qui depuis quelques mois réveille dans la bonne humeur les auditeurs de Radio France Internationale a mis les rieurs de son côté en parlant de cette polémique. La France, avec la probable élection du fils du président Sarkozy - un étudiant de 23 ans- à la présidence de l'Etablissement public d'aménagement de la défense (Epad), a-t-il dit dans une de ses récentes chroniques, est devenue un pays producteur de bananes. L'image est saisissante en effet, celle qui compare l'attitude politique de Nicolas Sarkozy, aux chefs des nombreuses républiques bananières africaines. La banane, bien entendu, n'est plus un savoureux fruit. Il s'agit plutôt des bizarreries de tel dirigeant africain qui recruterait autour de la table familiale les candidats à la gestion d'importants portefeuilles ministériels.
Nicolas Sarkozy, 54 ans, président de la République française depuis deux ans, est donc accusé de promouvoir une pratique qui a fait ses preuves dans l'instrumentalisation de la politique sous d'autres cieux : le népotisme. Pour le premier dirigeant de la France, l'affaire est importante. L'Epad dont il s'agit est la place forte de l'économie et de la finance françaises. Une quinzaine des cinquante plus grandes entreprises mondiales y ont établi leur siège social. Les chiffres en ce qui concerne ses milliers de mètres carré auraient très bien justifié qu'aux accès de l'espace du célèbre quartier de la Défense, il soit inscrit : ici bat le cœur des affaires en France. Et, comme un défi jeté au vieil adversaire anglais, l'ambitieux président Sarkozy ajouterait que l'Europe des affaires vivra bientôt là, en ravissant la première place à la City de Londres.
C'est d'ailleurs le projet que nourrissent tous ceux qui pensent à l'avenir de cette success story à la française. La réussite de cette entreprise commande en effet que dès aujourd'hui, ceux qui en ont la charge, pensent à son futur, aux défis qu'elle devra relever.
Nicolas Sarkozy, comme premier responsable français, le sait certainement mieux que beaucoup. Lui qui a bâti son discours politique sur cette manière de volontarisme et la promesse d'une France qui réussit parce que ses citoyens travaillent tous pour les mêmes buts. "Ensemble, tout devient possible", promettait-il aux Français afin d'accéder à l'Elysée en 2007.
Aujourd'hui, selon ses détracteurs, c'est pour Sarkozy que tout est possible et non pour les Français. Malmenée par la crise financière et ses conséquences sociales sur des milliers de foyers, la France sous Sarkozy n'est pas en train de voler de succès en succès comme sa campagne électorale le prédisait. C'est donc un président fortement critiqué, se relevant de sa chute dans les sondages, qui doit faire face à la dénonciation d'un acte dont il n'est pas directement responsable.
Acharnement
En France en effet, les dirigeants comme ceux de l'Epad sont élus au cours de scrutins qui ne font pas l'objet de contestation. Mais face à l'homme qui a mobilisé la police pour retrouver en un temps record la mobylette volée de son Jean chéri, celui-là même dont l'élection est annoncée à la tête de l'Epad, le feu de la contestation a pris. "Tout ce qui donne en pâture une personne, sans fondement, de façon excessive, ce n'est jamais bien", s'est insurgé le président accusé en faisant allusion à la question.
Qui le croira ? Dans le concert de commentaires amusés et critiques que la presse française recense chez ses consoeurs à travers le monde, de la lointaine Chine au cousin italien, l'on relève en effet que le chemin semble balisé pour le fils Sarkozy. Patrick Devedjian, le président de l'Epad dont le mandat est arrivé à terme, n'a pas pu bénéficier des effets du décret préparé et non signé par Nicolas Sarkozy et qui devait lever la limitation d'âge qui le frappait. C'est du moins ce qu'assurent nos confrères hexagonaux. Comme en Afrique, lorsque quelques dictateurs se sentent obligés de justifier la présence de leurs parents aux affaires, les Sarkozy réclament d'être jugés sur les résultats et dénoncent un acharnement.
Dans la mare politique française cependant, nul n'est assez dupe pour ne pas imaginer que l' " hyperprésident ", comme le désigne la critique pour fustiger sa volonté de concentrer les pouvoirs et d'agir souverainement sur tous les secteurs de la vie publique, ne finira pas par éveiller des réactions d'opposition plus vives. Desservi par un environnement social et économique maussade, Nicolas Sarkozy ne gagnerait donc rien à multiplier les polémiques. Lui qui s'est ouvert à la force du poignet et de ses nombreuses relations le chemin qui mène à l'Elysée, après avoir quasiment touché le fond en voyant perdre son champion Edouard Balladur à la présidentielle de 1995, sait ce qu'il peut lui coûter de ne pas répondre aux attentes populaires et de semer la graine de la contestation dans son propre camp.
Bien que ce soit pour l'heure l'une des rares mises en garde dans la majorité, la secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux sports a estimé qu'on ne pouvait ignorer l'impact d'une telle élection sur l'opinion. Un avertissement - ironie du sort- qui vient de Rama Yade. Une Africaine, moulée par la culture occidentale. Mme Yade peut rappeler à Nicolas Sarkozy dont le célèbre discours de Dakar estimait que les Africains ne sont pas rentrés dans l'Histoire, que les fils de ont souvent connu un sort difficile. Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, pourrait bien lui expliquer l'épreuve de son cousin Jean-Christophe, un ancien fils de François...
Jean Baptiste Ketchateng