A peine sur le trône, il a entrepris d'ouvrir les placards nauséeux laissés par son géniteur.
Ses premières mesures ont des allures d'état d'exception. Qu'on en juge. Suppression de tous les postes de ministre d'Etat et de ministre à titre personnel; suppression du cabinet privé du président de la République; suppression de tous les postes de Hauts représentants généraux, de Hauts conseillers du président de la République, de représentants personnels du président de la République et de délégués généraux interministériels; suppression des postes de coordonnateurs généraux et leurs adjoints à la présidence de la République, suppression de tous les postes de Hauts commissaires.
Le nouveau président a également mis fin aux fonctions des commissaires généraux et de commissaires; suppression de la cérémonie d'installation des membres du gouvernement; suppression de la présentation des ministres dans leurs provinces et départements d'origine; fin du cumul de fonctions de président de conseil d'administration de sociétés parapubliques ou privées, pour les députés et sénateurs; lancement des audits sur les effectifs de la Fonction publique, la masse salariale et sur la dette intérieure et extérieure de l'Etat. Dans le même temps, les membres du gouvernement sont instamment invités à s'acquitter, chacun, conformément à la loi, de leur obligation législative de déclaration de patrimoine, devant la Commission nationale de lutte contre l'enrichissement illicite, dans un délai d'un mois. Sans oublier que les jours de grève "ne seront plus payés en République gabonaise".
Il ne lui a fallu qu'un seul conseil des ministres, lundi dernier, pour se poser en cureur en chef des égouts de la République. Quelques jours avant, il s'était payé une autre infamie en ramenant la taille du gouvernement de 44 à 30 ministres. "L'une de mes priorités consiste en l'optimisation des dépenses de l'Etat par le biais de la réduction du nombre de portefeuilles ministériels, sources de dilapidation des deniers publics", avait-il annoncé. C'est Bongo qu'on assassine (!). C'est aussi l'inventaire non autorisé d'une quarantaine d'années d'un système qui a prospéré sur la prédation, la cooptation et la mal-gouvernance. Et c'est l'œuvre d'un enfant de la maison, un homme qui a été nourri et pouponné par ce régime, qui en devient le premier fossoyeur. Omar Bongo Ondimba doit se retourner dans sa tombe.
Baby Zeus
D'aucuns y voient pourtant des actes démagogiques, de la part d'un mal-élu (près de 60% des électeurs ne l'ont pas choisi) soucieux de légitimer ce que ses adversaires politiques - et il en a, surtout de l'intérieur - considèrent comme un "hold-up" politique. D'autres saluent la rupture, dans un pays pauvre de ses richesses. "Il bombe le torse pour faire peur. Dans deux ans, tous les postes supprimés, tous ces caciques ainsi brutalement envoyés au chômage, seront subrepticement recasés", analyse un spécialiste de la scène politique gabonaise.
En effet, l'on voit mal Ali Bongo Ondimba, malgré les bonnes intentions affichées, se faire hara-kiri, scier la branche sur laquelle il est assis en créant un nouveau front ennemi au sein de ce sérail qui l'a porté, à bout de bras, de l'investiture au forceps au sein du Parti démocratique gabonais (Pdg) à l'intronisation sous haute tension, en passant par une campagne onéreuse et ostentatoire ou encore à l'interminable contentieux électoral. Il faudrait bien, un jour, caser les uns et les autres au risque de se tirer une balle dans le pied. Surtout à la veille d'élections législatives (2011) à hauts risques, où l'opposition tâchera de se tailler une majorité confortable à l'Assemblée nationale non seulement pour l'empêcher de régner en paix, mais surtout d'impulser des réformes institutionnelles (limitation du mandat présidentiel, instauration d'une élection à deux tours à la magistrature suprême, etc.).
Ali Bongo Ondimba, 49 ans et que le délit de filiation continue de hanter, n'aura donc pas de période de répit ni d'état de grâce. Son "gouvernement de l'émergence" doit, très rapidement, donner des gages de sérieux pour panser les plaies ouvertes avec la mort de son père, le 8 juin 2009 à Barcelone, et que son avènement contesté à la tête du Gabon a contribué à raviver. Ministre de la Défense dès janvier 1999, "Baby Zeus" multipliera les petites attentions à l'endroit de la grande muette. Mis sur la touche pendant la campagne électorale, il continuera pourtant à gaver la troupe jusqu'à la veille du scrutin à travers des promotions et gratifications diverses. Il lui faudra plus que des gestes de clientélisme pour revêtir les habits de père de la nation d'Omar Bongo Ondimba.
Alain Bongo, devenu Ali Ben au lendemain de la conversion de sa famille à l'islam en 1973, est considéré par certains comme un faux dur, par d'autres - surtout au sein de l'armée - comme un homme à poigne, mais par tous comme un être évanescent. Il sait aussi être vindicatif ou reconnaissant, selon le cas. C'est également un homme qui a beaucoup souffert politiquement. En 1991, l'alors ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie, à 30 ans, est chassé du gouvernement en vertu d'une nouvelle disposition de la Constitution qui stipule que les membres du gouvernement devront être âgés d'au moins 35 ans. 5 ans plus loin, il bat campagne pour la députation dans le Haut-Ogooué de son père. Il ne sait pas prononcer un traitre mot de téké, sa langue présumée maternelle. Le meeting s'achève dans la confusion, et papa est obligé d'user de sa force de persuasion pour le faire élire.
Félix C. Ebolé Bola





