Celui qui se réclame défenseur des libertés, inaugure également une autre forme de résistance en faisant 3000 km de marche à pied.
Vous êtes arrivé à Bafoussam le 24 janvier dernier, après avoir parcouru 628 kilomètres à pied depuis Douala où vous résidez. Pourquoi organisez-vous une telle marche ?
Notre pays a des problèmes et ces problèmes ont une origine. C'est le fait que depuis cinquante ans d'indépendance, le Cameroun n'a pas encore les clés de gestion de son indépendance. Tant que nous n'aurons pas ces clés, notre pays continuera à sombrer. Nos pères aînés se sont battus pour que le Cameroun devienne un pays reconnu de par le monde comme un pays souverain. C'est fait depuis 1960. Maintenant, il revient à la jeunesse de mener le combat pour que le Cameroun ait tous les éléments de gestion de son indépendance. C'est un combat qui demande à mobiliser des énergies disponibles. Nous avons donc imaginé qu'il fallait trouver un moyen pour mettre en place une coordination de ces énergies. Nous l'avons fait sur la base des exigences préélectorales.
C'est-à-dire ?
Nous ne sommes pas dans une logique de guerre avec qui que ce soit. Il s'agit de la réappropriation de notre être, de notre Etat. Il y a nécessité de rendre claires les revendications que nous avons pour que l'élection présidentielle prévue en 2011 se passe dans les normes. Ceci pour que la dynamique à mettre en place pour récupérer lesdites clés soit effective. Nous avons énuméré douze exigences. Entre autres, il faut que le mandat présidentiel en cours soit respecté. Il n'y a pas le feu dans la maison et une élection anticipée n'est pas normale. Il y a également que, au Cameroun, la loi actuelle ne permet pas à quelqu'un d'être président de la République avant 35 ans. Mais, cette loi ne dit pas à quel moment le même président ne doit plus exercer. Or, nous pensons qu'il doit avoir des possibilités d'aller à la retraite quand on est président de la République. Il faut aussi publier le recensement général de la population. Quand on ne sait pas combien de personnes on gère, on ne peut pas faire un programme politique viable. Je ne reviendrais pas sur toutes les douze revendications.
Quel sera l'itinéraire à suivre ?
Nous avons décidé de faire 3000 kilomètres de marche dans le programme dit " Le pas décisif ". Nous ferons 1200 km dans les régions du Sud Cameroun (Littoral, Centre-Sud, Ouest, Nord-Ouest, Sud-Ouest et 1800 km dans le grand Nord. Ce dernier trajet va s'effectuer à partir de juillet prochain. Soit près de six mois de marche au total. Nous le faisons pour prêcher la vision d'un Cameroun propriétaire du Cameroun, d'un Cameroun libre, indépendant et légitimement géré par les Camerounais eux-mêmes. Un pays doit s'autogérer pour être capable d'avancer.
N'avez-vous pas rencontré d'obstacles depuis le début ?
Il y a eu des intentions d'empêcher ce pas. C'est le cas à Bamenda la semaine dernière, où j'ai été entendu sur procès-verbal pendant près trente minutes par des gendarmes. Ces gendarmes voulaient savoir ce que je suis venu faire à Bamenda. Et je leur ai répondu que je n'avais pas besoin d'une autorisation pour parcourir mon pays. J'ai logé à Unity hôtel. Alors que je m'apprêtais à sortir le matin, deux gendarmes se sont présentés à moi pour dire que le commandant de la légion de gendarmerie locale les a envoyés m'interpeller. J'ai attendu pendant environ 2 heures 30 pour qu'on me dise que des instructions ont été données [par le gouverneur du Nord-Ouest] pour me libérer. Je vais continuer mon périple sans crainte.
Dans l'opinion, on pense que votre ''activisme'' vise à attirer la sympathie des pourvoyeurs de fonds extérieurs. Que répondez-vous ?
Les concitoyens nationalistes n'encouragent tout au long de mon parcours, eux qui estiment que celui qui pose des actes visant à élever des consciences nationalistes, ne peut pas aller chercher la banane au champ. Je suis comptable de formation. Lorsque j'arrête le travail le 1er juin 1990 pour m'occuper de cette lutte, j'ai donc choisi de suspendre ma vie de travailleur pour poursuivre l'action qui n'a pas été achevée par nos aïeux. Si mes compatriotes pensent que ce que je fais est utile, ils vont trouver avec quoi le combattant va le faire.
On voudrait en savoir un peu plus sur votre carrière professionnelle et autre ?
J'ai travaillé à la Camair, où j'occupais le poste de chef service de gestion à Douala. J'y ai fait 14 ans et neuf mois. Il y avait de l'argent physique. Les gens ont finit par dire que je gère l'argent de la Camair comme le mien. Parce que je veillais sur cet argent. A l'époque, j'ai vu défiler des directeurs généraux à l'instar de Hamadou Bello et Augustin Frédéric Kodock. Je suis né en 1953. Aujourd'hui, j'ai une femme et des enfants. Ma famille, je ne parviens plus à la nourrir, mais elle ne meurt pas encore de faim. Ma femme a quitté [une Camerounaise, Ndlr] le Cameroun parce qu'elle a eu trop de pressions. Elle avait le choix entre me trahir et fuir. Quant à mes enfants, ils ont eu des difficultés à fréquenter au Cameroun. Si bien qu'il y a un, le deuxième, qui est allé fréquenter ailleurs qu'au Cameroun.
Propos recueillis par Michel Ferdinand





