Fokou Gankam Kuedjoko : Les coûts de téléphone restent encore élevés au Cameroun


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Présent à Douala du 9 au 11 juin 2010 dans le cadre d’un séminaire de sensibilisation sur la protection des consommateurs des produits de téléphonie, le Conseiller technique n°1 à l’Agence de Régulation des Télécommunications (Art) a accepté de faire le tour des questions que les abonnés du téléphone se posent au Cameroun. L’ingénieur des télécommunications hors classe, diplômé de l’école nationale des télécommunications de Paris, promotion 1979, travaille dans le secteur des télécommunications depuis 1980, date de son retour au Cameroun.

Vous venez de prendre part à un séminaire de sensibilisation sur la protection des consommateurs à l’intention des médias nationaux. De quoi a-t-on parlé ?
Le Directeur général de l’Agence de régulation des télécommunications (Art) l’a précisé dans son allocution à l’ouverture de cette rencontre. Il se trouve que nous avons constaté que les communicateurs, qui sont un vecteur important pour nous, parlent souvent de nos produits sans avoir pris le temps d’apporter toutes les précisions qu’il faut. Et parfois ces informations s’avèrent erronées, au point de créer de la confusion auprès des consommateurs. L’autre constat est qu’en fonction des informations qui sont le plus souvent données, les gens imputent des missions à l’Art qui ne sont pas les siennes, et aux opérateurs des choses qui ne relèvent pas de leur domaine de compétences. Raison pour laquelle, nous avons choisi de nous retrouver avec les professionnels de la communication, afin de partager ensemble un certain nombre d’informations et de connaissances. Il a été question de leur présenter les missions de l’Art. Dans l’espoir que ces derniers (communicateurs), pourront à leur tour, mieux édifier le consommateur camerounais.

Quelles sont donc ces missions de l’Art ?
Avant 1998, il existait presqu’un monopole en matière de fourniture télécommunications au Cameroun. Il y avait la Direction des télécom au ministère des Postes et Télécommunications (Ptt), qui s’occupait du réseau national. Et la défunte société Intelcam qui s’occupait des communications vers l’international. Il s’est avéré que les besoins en communications devenaient de plus en plus pressants. D’où la nécessité de s’arrimer à une certaine vitesse, en qualité et en quantité. Compte tenu de la diversité des secteurs qui nécessitaient l’intervention de l’Etat, ce secteur a donc été ouvert à la concurrence, et a entraîné la naissance des sociétés de téléphonies que nous connaissons au Cameroun.
Etant donné que ce secteur a été ouvert à la concurrence, nous aurons désormais plus d’acteurs dans ce secteur. C’est ainsi que le gouvernement, pour éviter des dérapages, va créer un organe chargé de l’arbitrage dans ce domaine. Dès lors, l’Art sera chargée de s’assurer que les différents acteurs respectent les règles fixées par l’Etat. Au point de sanctionner les opérateurs qui ne les respectent pas. Mais aussi d’interpeller l’Etat, en lui fournissant des éléments tirés des observations rencontrées sur le terrain. Ceci afin de permettre la modification des lois jugées caduques, et de s’assurer de la satisfaction des consommateurs sur la qualité des services rendus. L’Art régule et veille au respect des cahiers de charges ou accords passés entre les opérateurs et l’Etat.

Partant du contexte du marché de la téléphonie mobile au Cameroun, pensez-vous que l’Art dispose des moyens capables de lui permettre de bien réguler ledit secteur ?
Sans aucun doute, dans la mesure où l’Art le fait depuis quelle a été créée. Aujourd’hui, la qualité du service s’est nettement améliorée par rapport au début, c'est-à-dire bien avant l’entrée des nouveaux opérateurs. Il est vrai que pour tout marché dynamique, la technologie étant très évolutive, tous les jours, il faut s’adapter aux règles imposées par le nouvel environnement. Et donc, l’Art utilise les textes en vigueur pour réguler le secteur des télécommunications, en attirant l’attention du gouvernement sur la nécessité d’actualiser certains textes de loi. Ceci pour prendre en considération les nouvelles donnes du marché, qui n’ont peut-être pas été prises en compte dans les textes existants.

Durant le séminaire, bon nombre de points ont été évoqués, notamment celui de l’identification des abonnés. Qu’est-ce qui a justifié une telle opération?
Je commence par rappeler que c’est une opération importante pour les abonnés, contrairement à ce qui est dit, ou que les gens pensent. Je me souviens d’ailleurs qu’à une époque les abonnés de téléphonie fixe étaient identifiés à l’avance. Aucun abonné au téléphone fixe ne saurait le démentir. Les abonnés étaient tenus de remplir une fiche, on pouvait y retrouver tous les éléments permettant de vous identifier (carte nationale d’identité, plan de localisation du domicile du client etc.). Et au bas de ces fiches, on trouvait les règles de base rappelant les clauses de la fourniture du produit aux abonnés. Ce qui tenait lieu de contrat entre les deux parties. En cas de litige, et de non respect d’une clause, l’abonné pouvait saisir la justice pour obtenir réparation. Lors de l’avènement des opérateurs de téléphonie mobile, ces accords étaient respectés, même s’il n’y avait pas de fiches de location du client. Mais à un moment donné, la concurrence devenue rude entre les deux acteurs nouvellement arrivés sur le marché, chacun voulant glaner le maximum d’abonnés, a fait que cette notion essentielle de contrat soit mise de côté. Par ailleurs, le nombre d’abonnés de plus en plus croissant a permis de noter plusieurs dérives (appels malveillants et autres abus), au point que l’on est obligé de savoir qui est le propriétaire d’un numéro de téléphone, bien que ce soit un téléphone mobile.

Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de réagir ?
Au niveau de l’Art, nous n’avions pas de bases juridiques capables d’obliger les opérateurs à respecter les règles. Notre rôle n’est pas de dicter nous-mêmes des textes de loi ; mais de veiller à l’application de ceux-ci. Lorsque les dérives on été signalées, nous avons saisi notre tutelle technique qui est le ministère des Postes et des Télécommunications, en prenant le soin de lui fournir des éléments complémentaires capables de lui permettre d’interpeller les uns et les autres. Fort heureusement, et ce malgré le temps que cela a pris, des dispositions ont été prises au mois d’avril 2009. C’est ce qui a conduit cette identification qui se poursuit d’ailleurs en ce moment.

Depuis quelque temps, l’on annonce l’arrivée de nouvelles sociétés de téléphonie mobile au cameroun. Où en est-on avec ce processus ?
Ce qu’il faut dire, est que le nombre d’opérateurs dépend de la politique de l’Etat. Et chaque fois qu’un opérateur a signé des accords avec l’Etat, nous nous chargeons de faire suivre le respect par cet opérateur, des lois signées avec le gouvernement dans les cahiers de charge. Il n’appartient pas à l’Art de désigner ou d’accorder des licences à ces opérateurs là. Je pense que c’est le ministre en charge des Postes et Télécommunications. A notre niveau, nous attendons de recevoir les différentes conventions signées avec l’Etat. Afin de les faire appliquer le cahier de charges sur le terrain. Il importe de relever que c’est une bonne chose de savoir que de nouvelles structures de téléphonie mobile. La sonnette d’alarme a été tirée depuis longtemps. Mais bon, nous attendons de voir ce qui va suivre.

Reconnaissez-vous que les tarifs sont encore assez élevés dans notre pays?
Avant de tirer de telles conclusions, je préfère que l’on tienne compte des environnements. Que l’on parte du fonctionnement avant de dire que les coûts sont élevés dans tel ou tel autre pays. Ies frais de douane sont-ils les mêmes partout ? Les impôts prélevés sur les sociétés sont calculés de la même manière ? Ces pays bénéficient-ils des mêmes formes de reliefs, les missions de fournitures des services sont elles les mêmes, le carde juridique est-il le même ? Autant de choses qu’il faut connaître avant de faire la comparaison entre pays. C’est vrai que pour ce qui est de notre environnement, les tarifs d’appels restent élevés par rapport au niveau de vie des citoyens. Mais comparativement aux autres pays, et en fonction du tableau comparatif de ces tarifs là, le Cameroun a une grille favorable, contrairement à ce que certains disent.

Sur la base de quoi fixe –t-on ces tarifs au Cameroun?
Durant tous nos exposés nous n’avons pas manqué de le souligner. Et comme cela a été dit, nous avons exigé des opérateurs, comme dans tous les segments de marché, que les tarifs reflètent les coûts de production des services. Et donc, on prend en compte tout ce qui rentre dans la production du service. Car les entreprises on un certain nombre d’éléments qu’elles utilisent pour arriver à produire le service. Il est question d’intégrer ces éléments dans la fixation des coûts d’appels. Le but étant d’arriver à calculer le coût de revient de l’investissement de ces derniers avant la fixation des tarifs.

Vous souligniez quand même le fait que l’absence des infrastructures soit un frein à la baisse des tarifs…
Nous sommes très en retard en matière d’infrastructures, ce que je peux appeler autoroutes capables de permettre l’écoulement du trafic dans notre pays. Nous avons une économie de transformation en capacité insuffisante pour permettre l’écoulement du trafic sur l’étendue du territoire. Compte tenu de notre environnement donc, les opérateurs sont obligations de faire de gros investissements, afin de produire le service attendu. Ces investissements rentrent dans le coût de revient des produits. C’est pour cela que nous restons dans une grille des prix un peu élevé pour le citoyen camerounais. C’est la raison pour laquelle ; l’Etat est en train de mettre en place de gros efforts pour rattraper le retard. C’est ainsi que 3200 mètres de fibre optique à travers la société de téléphone fixe Camtel, ont été déployés sur toute l’étendue du territoire national. Je crois qu’après cette première phase, l’on va observer une nouvelle baisse des tarifs.

Pourquoi ne pas donner la possibilité à chaque entreprise de téléphonie mobile de déployer sa fibre optique pour accélérer le processus par exemple ?
Tout simplement parce que le marché de la téléphonie mobile est régi selon une certaine segmentation. Les opérateurs de téléphonie mobile ont signé des conventions les obligeant à fournir le service de téléphonie mobile. Et jusqu’à présent, seul l’opérateur historique Camtel qui a le droit de fournir à la fois le service et les infrastructures. Autrement dit, pour que cette situation change, il leur faut soit une nouvelle convention, soit une autorisation spéciale. Le gouvernement travail a étudié des pistes, dans le but de réorganiser ce secteur d’activité. Pour permettre que les infrastructures de grosses capacités soient mises à la disposition de ses entreprises là. En même que Camtel l’opérateur autorisé, continue de le faire.

Quelles sont les innovations à venir dans le domaine des télécommunications ?
La loi sur les télécommunications a été votée en 1998. Il s’agit de la loi 98/014 du 14 juillet 1998 qui réglemente le secteur des télécommunications au Cameroun. Ce secteur évoluant de manière fulgurante, l’on se rend compte que la loi est dépassée. L’Etat est en train de refondre cette loi, pour tenir compte des nouvelles donnes. L’actuelle loi prévoit qu’un opérateur de téléphonie mobile ne doit fournir de la téléphonie mobile. Pour la fourniture de service Internet, l’opérateur doit signer une nouvelle convention. Alors que la nouvelle loi conduit à la globalisation de tous les services. Toute fois, les opérateurs seront tenus de déclarer les nouveaux services, avant de les mettre sur le marché. Ce qui va permettre de contrôler ledit produit, en évitant de tomber dans une anarchie où les gens feront n’importe quoi. C'est-à-dire produire des services (pornographie, pédophilie, etc.) de nature à troubler l’ordre public, ou l’éducation des enfants.

Entretien mené par Aristide Ekambi

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