Athènes ou Jérusalem ?


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Depuis quelques années, on assiste à un accroissement du nombre d’établissements d’enseignement supérieur créés par les Eglises au Cameroun. Ce constat amène inévitablement à reconsidérer la fameuse interrogation de Tertullien. «Qu’y-a-t-il de commun entre Athènes et Jérusalem? Entre l’académique et le religieux ?» se demandait le carthaginois Tertullien, opposant de façon radicale foi et raison et laissant entendre que les deux paradigmes étaient incompatibles par nature. L’histoire ne lui donna pas raison puisque l’Eglise fut historiquement, à l’origine des premières universités. Comme le relève Olusegun Olawoyin, les premières universités à être créées à travers le monde, que ce soit Bologne, Paris, Oxford ou Cambridge furent originellement des écoles catéchétiques chrétiennes.

Par ailleurs, les meilleures universités de monde actuellement, le Institute of Higher Education,le Shangai Jiao Tong University, classées premières universités du monde en 2005, furent chrétiennes à l’origine.
L’Université en tant que lieu privilégié de la production du savoir est donc un lieu stratégique où l’Eglise ne peut plus se contenter d’occuper une position périphérique, marginale. Parce que l’université est le laboratoire où s’observent les mutations sociales et à partir duquel sont élaborées les réponses aux questions qui engagent la vie des communautés, l’Eglise qui a depuis longtemps perçu la dimension holistique de sa mission ne peut plus se contenter d’en être un acteur périphérique. Elle doit, elle aussi répondre aux questions sociales, économiques et culturelles selon la perspective qui est la sienne.

A défaut d’être capable de productions technologiques, l’université camerounaise offre au moins à ceux qui la fréquentent, une technologie mentale pour discerner, dans la somme disparate et hétéroclite des productions technologiques matérielles et immatérielles, celles qui sont nocives à l’épanouissement du corps social.
C’est donc au cœur de ces enjeux vitaux que l’Eglise devrait inscrire son action : une action structurelle et non plus ponctuelle et périphérique.
La création d’universités par les Eglises devrait donc viser au moins trois objectifs :
1) – Faire passer la pastorale en milieu universitaire de la périphérie au Centre ; du témoignage subjectif à un témoignage structurel qui assure un encadrement à la fois diaconal et surtout spirituel à ses fils.
2) – Faire des Eglises des interlocuteurs institutionnels du monde académique, culturel et scientifique en établissant un dialogue entre la foi et les disciplines du savoir.
3) – Faire participer l’Eglise à travers les institutions universitaires qu’elle aura créées aux défis du développement et des mutations sociales de notre pays.

Mais les universités ne sont pas des collèges d’enseignement secondaire encore moins des séminaires ou des instituts de formation théologique. Le champ du savoir, la multiplicité et la variété des domaines de la connaissance que prend en charge le système de l’enseignement supérieur impose aux Eglises du Cameroun, dans le processus de création d’universités, des choix stratégiques prenant en compte leurs propres défis historiques et les enjeux liés à leur encrage géographique et humain. Seule la prise en compte de ces spécificités devrait donner une identité propre à ces universités afin qu’on n’assiste pas à une duplication d’un modèle unique qui reproduirait les tares du système de l’enseignement existant : multiplication de filières dispensant des formations théoriques sans grande emprise sur la réalité et les enjeux pratiques et concrets de notre société. Comme le suggère la devise de la plus grande université du Ghana, la Central University College, les universités chrétiennes privées devraient avoir pour but de développer un système d’enseignement supérieur fondé sur les valeurs éthiques et particulièrement orienté vers les besoins du continent africain ; l’un des plus important de ces besoins étant la formation du caractère des étudiants et la culture de leur âme sur un fondement éthique.

Par Marcelin VOUNDA ETOA *

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