Voilà des siècles que la traite négrière transatlantique continue de faire couler beaucoup d’encre. Films documentaires, séries, livres, entre autres, ne s’arrêtent pas d’écrire les lignes d’un phénomène lugubre. « Tombeau : Les trépassés de la traversée » de Leonora Miano, prix Fémina 2013, s’inscrit dans ce plaidoyer pour ne pas oublier ces « frères » et « sœurs » engloutis par l’océan. Jacobin Yarro, directeur artistique et metteur en scène, se fait l’écho de Miano, en adaptant sur scène son livre. En 2017, à l’Institut français du Cameroun à Yaoundé, en mettant en scène « Red in Blue Trilogie : Tombeau », Jacobin Yarro poursuivait ce débat jamais épuisé, en posant la réflexion autour des sépultures de ces esclaves laissés à la merci des eaux. Du fond de l’océan, leurs ossements hurlent et demandent justice. Pour tribunal, Yarro emprunte la voie du théâtre et appelle à la réflexion.
Cette traversée de l’océan par des fils et des filles arrachés à leur terre mère, et transportée vers d’autres continents est scrutée du point de vue des descendants. Cette diaspora incarnée par Jedidiah, personnage principal qui hérite de la dépouille de son frère qui a souhaité reposer au Mboasu (un pays imaginaire) après sa mort, demande elle aussi réparation. Et si, comme le frère de Jedidiah, ils étaient plus nombreux de l’autre côté à vouloir être enterrés sur la terre de leurs ancêtres ? La pièce se penche sur ce sentiment d’impuissance éprouvé par des fils d’Afrique brutalement privés de leurs origines. Jacobin Yarro capte cette énergie en se servant d’un canal peu commun, celui du théâtre documentaire, riche en allégories et en métaphores, mais qui se veut surtout un témoin privilégié de l’histoire.
« Red in Blue Trilogie : Tombeau » signé de Jacobin Yarro transpire de spiritualité par tous les pores. Cette pièce longue de deux heures retransmet également l’opinion d’Africains nés et ayant grandi sur le continent au sujet de leurs « frères », enfants d’ancêtres déportés. Les deux groupes peuvent-ils se rapprocher et trouver une entente ? Les Africains sont-ils prêts à ouvrir les bras à ceux qui pour eux se trouvent être des étrangers qu’un test ADN aurait ramenés au pays ? On ne doute pas que Jacobin Yarro s’est plu à donner vie à ce pan de l’histoire, lui qui aime se prêter au jeu du retour dans le passé. En 2019 par exemple, ce passionné de théâtre incarnait le Sultan Ibrahim Mbombo Njoya, dans la pièce « Kamerun : Past, Present, Future ». Comme la traite négrière, « « Red in Blue Trilogie : Tombeau », dévoilée en 2017 reste d’actualité.