Francis Bebey


Voyageur curieux, musicien complet et brillant écrivain, FRANCIS BEBEY nous a laissé le souvenir d'un travailleur acharné à l'intelligence incisive. Derrière son masque goguenard de chanteur humoriste aux succès internationaux, sa personnalité riche et complexe respirait la sagesse. Conteur, essayiste, poète autant que parolier, chanteur et compositeur, cet homme pétillant de culture aura été un artiste dans l'âme, doublé d'un créateur qui jamais ne laissa de place aux compromis.

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Fils d'un pasteur de Douala, pauvre par vocation mais riche de musique, il a grandi dans le Cameroun des années 1930-40 chaperonné par son frère. En ces temps de colonisation, il incarnait par ses succès scolaires une sorte de modèle de réussite pour les jeunes Africains. Après une licence d'anglais passée à la Sorbonne, il participe en journaliste à l'avènement des radios africaines. Jeune membre de l'élite cultivée de la nouvelle Afrique à l'époque des indépendances, il refuse de céder aux sirènes de la politique. Son esprit ouvert et modeste est demeuré lucide quant aux dérives d'un monde dont il aimait à observer les travers pour les moquer. Fort de sa liberté de penser d'écrivain et de chanteur, il fustigera les mécanismes corrupteurs qui n'ont cessé de conduire les destinées des jeunes États d'Afrique et en paiera le prix.


Débutant sa carrière musicale dans les années 1960, FRANCIS BEBEY devient l'“ambassadeur africain de la guitare”. En 1968, l'UNESCO l'accueille en musicologue, auteur d'un essai sur les musiques traditionnelles d'Afrique, et lui confie la direction de la musique. Mais en 1974, l'artiste reprend sa liberté de créateur. De cette Afrique où tout son être est resté profondément enraciné, FRANCIS BEBEY a surtout retenu les trésors d'humanisme et l'infinie poésie qui lie les hommes à la nature. Passeur de savoir, il a consacré l'oeuvre qu'est sa vie à établir des ponts entre les cultures africaines et occidentales. Sa disparition à Paris, sa ville d'adoption, le 28 mai 2001, laissait une impression de vide.
Ce disque fait revivre l'univers musical du poète au minimalisme assumé. À ses compositions pour la guitare répondent les pièces pour sanza et flûte pygmée “n'dehou” qu'il composa dans les années 1980-90. Quant aux paroles de ces chansons, tour à tour malicieuses et illuminées d'une poésie simple, elles bondissent comme les pas d'un enfant caracolant de pierre en pierre au long du gué de la rivière. Écoutez-le chanter dans les échos de l'eau, du vent et de la pierre et sentez s'élever la douce flamme du souvenir. FRANÇOIS BENSIGNOR

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