Littérature
Marcel Kemadjou Njanké : L'Etat doit redonner le goût de la lecture aux populations
Le coordonnateur du festival international de poésie qui vient de s'achever à Douala fait le point de cet art.
Propos recueillis par Parfait Tabapsi (Stagiaire)
Pourquoi un festival de Poésie, quel en est l'esprit?
Ce festival a été organisé par l'Association Livre Ouvert qui a son siège au Marché Mboppi et le Centre d'Art contemporain ArtBakery qui se trouve a Bonendalè. Nous avons parlé de poésie avec le P majuscule pour faire ressortir l'union sur une même scène de la poésie comme art du verbe et des arts plastiques. Nous sommes partis d'un constat, la poésie et les arts plastiques sont considérés comme élitistes et de ce fait, marginalisés par les pouvoirs publics et incompris du grand public. Certains vont jusqu'à croire qu'on n'écrit que pour entrer dans le programme scolaire. Cette invisibilité entoure également les arts plastiques.
Peut-on avoir une idée des invités de cette première édition?
Pour cette édition, nous avons réuni autour du plasticien togolais Dodji Efoui, les poètes camerounais Abdelaziz Ayiagnigni, Gilbert Tchoupa, Mohamed Awal, Ndefo Noubissi, Beatrice Seck, Joseph Fumtim, et d'autres. Deux éditeurs nous ont fait l'honneur d'exposer leurs livres ; les éditions Clé et les éditions Ifrikiya.
Quels ont été les temps forts de ce festival?
D'abord la conférence de presse tenue à Espace Créateurs à Akwa, où les interrogations de journalistes et les interventions des organisateurs étaient ponctuées de lectures de poèmes. La participation surprise et effective du chef Ikollo Ndoumbè de Bonendalè II, à la cérémonie de clôture et qui, après avoir écouté les poèmes, a déclaré tout son soutien et toute sa volonté de nous voir revenir lors des prochaines éditions. Il y a également eu la participation massive des élèves du Lycée de New Bell qui ont eu à lire les poèmes des poètes invités pendant que le plasticien Dodji Efoui improvisait une toile. Leur désir de nous voir revenir souvent nous est allé droit au cœur.
Quelles seront les innovations de la prochaine édition et quand aura-t-elle lieu?
L'édition de 2008 aura lieu bien évidemment début décembre. Les dates seront annoncées au premier trimestre 2008, le temps pour nous de faire le bilan et de tirer les leçons de cette première édition. Pour les innovations ce qui est sûr c'est que les lectures se feront dans des endroits les plus inattendus. Egalement, nous ferons participer davantage d'établissements scolaires et le festival pourrait s'étendre à la ville de Buéa. D'autres événements que nous préférons taire pour le moment sont en préparation.
Quel regard portez-vous sur la poésie camerounaise aujourd'hui?
La poésie camerounaise est ce qu'il y a de plus dynamique et de plus dense. Il suffit de constater que six des huit poètes invités n'ont jamais rien publié pourtant ils ont cet enthousiasme, cet amour et cette dose de folie qui caractérisent le créateur d'art. Je suis persuadé que si les Camerounais étaient sensibilisés sur l'intérêt de la lecture, les maisons d'éditions pourraient vivre sans subventions et permettraient ainsi à la poésie produite localement d'être l'une des plus prolixes du monde. Par ailleurs, ceux qui ont déjà publié ne sont pas assez distribués, alors qu'ils ont les moyens de continuer à écrire, car la diffusion n'existe pas ici chez nous.
Et que pensez-vous du rôle de l'Etat?
Enfin je ne pense pas qu'en l'état actuel de la poésie au Cameroun, le rôle de l'Etat soit de financer la fabrication d'un livre. C'est trop facile. Il faut que l'Etat s'investisse pour redonner le goût de la lecture au Camerounais, qu'il fasse campagne quotidiennement, il en a les moyens, pour que les gens sachent que la lecture n'est pas seulement un moyen d'obtenir des diplômes mais de se cultiver, se distraire et trouver du plaisir. Il faut qu'il mette sur pied des espaces de créations dans tout le pays, des bourses de créations, des résidences, des prix. Il est inadmissible dans un pays comme le nôtre que la majorité des choses qui se font sur le livre se fassent dans des centres culturels français. C'est choquant.