La dépouille du père des Jcm, décédé à Paris le 25 décembre dernier, arrive à l’aéroport de Douala aujourd’hui, 3 janvier vers 16 heures.
Il est mort le 25 décembre 2007. Au moment où la communauté chrétienne dont il faisait partie célébrait la naissance de l’enfant Jésus-Christ. Il a tiré sa révérence comme un autre monstre de la musique internationale, James Brown, parti lui, l’année dernière. Tom Yom’s, a perdu l’ultime bataille pour la survie, l’année même où la radio dont il était l’un des promoteurs célébrait ses six ans d’existence. Terrassé par une terrible maladie, la leucémie. Un cancer du sang dont on savait qu’il n’en guérirait probablement pas. Mais dont on pensait que ce guerrier au moral d’acier repousserait l’échéance fatidique. C’est pourquoi on est tenté d’affirmer que la maladie l’a emporté à un moment où personne ne s’attendait. Après une vague successive de fausses rumeurs sur la mort de l’artiste.
Tom Yom’s est né le 11 mars 1957, à Dibombari, à quelque trente kilomètres de Douala. Cette sous-préfecture du département du Moungo, est aussi un village très réputé pour son manioc, son huile de palme mais également pour la capacité de son sol à produire des étoiles, des talents, des célébrités. Comme Tom Yom’s, aujourd’hui décédé, Françoise Mbango, Richard Bona, ou encore Ekambi Brillant sont tous originaires de cet arrondissement.
L’artiste pressé
Le jeune Eyoum Eyoum André, comme un homme pressé par la vie, s’intéresse tôt à la musique dès l’adolescence. Sa première guitare sèche, lui a été offerte par Jean Dikoto Madenguè. “ Quand je l’ai rencontré pour la première fois, Tom Yom’s s’intéressait à la musique, même s’ils n’était pas encore musicien. Je lui ai offert sa première guitare pour l’encourager à persévérer. Et j’étais tellement content de voir qu’il était en train de réussir son parcours ”, affirme le célèbre bassiste avant de conclure : “ Je suis profondément triste de savoir qu’il est parti sitôt ”. Tom Yom’s a vécu comme un éclair, un homme qui était appelé à partir vite. A 50 ans.
A-t-il pu accomplir en peu de temps, sa mission sur terre ? Sur le plan musical, il voue une considération et une admiration pour des artistes comme Al Jarro, Stevie Wonder, Georges Benson ou encore Ekambi Brillant (le grand-frère du village), Eboa Lottin, (le père spirituel). Artiste plein, il est l’auteur d’une dizaine d’albums. Malaika, sa première galette est enregistrée à Lagos au Nigeria en 1978. Soit trois ans après son tout premier morceau en solo, Isson, un 45 tours enregistré en France en 1975.
Tom Yom’s passe environ huit années chez le géant voisin, où il découvre Fela Anikulapo Kuti qui est déjà une personnalité culturelle d’envergure internationale. La pratique de la langue anglaise étant acquise, il sort Close to me (1980, Londres). Mais c’est incontestablement “Times” avec le titre Njanga Nylon, qui a véritablement hissé Tom Yom’s dans le cœur des Camerounais, au-delà de son Dibombari natal. Un opus qui a été enregistré, pour la première fois, au Cameroun en 1987. Deux ans plus tard (1989), il enregistre Evolution (Pona Pona) en France. Puis Divine (Irène Biya) en 1992, alors que le pays est dans la tourmente des années de braise. Tom Yom’s choisit d’enregistrer au Cameroun. Puis, il sollicite la France trois fois de suite : en 1993 pour Sunny days (Amia), en 1995 avec Forum et 1997 pour la sortie de Na hélé lé.
En duo avec Bebe Manga en 1998, c’est l’âge d’or qui donne à Tom Yom’s l’occasion d’enregistrer au bercail, juste avant de voyager pour la France, Zinga party (1999) oblige ! Age d’or (vol 4) est enregistré à la fois au Cameroun et en France en 2001.
Au moment de sa disparition, le compositeur, arrangeur, producteur Tom Yom’s venait de terminer un ultime album qu’il considérait comme “ une balade des rythmes et des rencontres ” et un “ lien culturel entre les peuples du monde ”. Lui qui a toute sa vie durant, pensé que “ la musique n’a pas de frontière ”, a voulu le matérialiser en faisant jouer des artistes venus de différents coins de la planète. Cette œuvre qui devait dans un premier temps être sur le marché en juillet-août 2007, selon les dires de l’auteur, sortira finalement à titre posthume certainement en 2008. Tom Yom’s était un artiste dans le sens le plus noble du terme. C’est-à-dire non seulement il pratiquait la musique, un des beaux arts, mais il était anti-conformiste.
L’entrepreneur
et promoteur culturel
“ Pendant que certains essayent de sauver notre culture, d’autres travaillent à la fossoyer. Tant pis pour eux ”, aimait-il à dire. Si l’artiste Tom Yom’s est bien connu du grand public au Cameroun et ailleurs, comme promoteur culturel, le chef d’entreprises culturelles l’est un peu moins. On sait seulement qu’avec son épouse, Dinaly, Tom Yom’s a créé la station radio, Real times music (Rtm), le 31 décembre 2001. C’est la première radio privée créée à Douala. Un média thématique qui a choisi pour philosophie de promouvoir la culture camerounaise sous toutes ses formes. Mais qui se souvient encore du Rtm Show Train, l’ancêtre de la caravane mobile actuelle, qui a permis à la station radio de l’Immeuble Hogmeni de s’imposer dans l’esprit des populations. A côté de la radio, il y a Rtm Event. La structure de production des évènements culturels et des artistes. L’organisation de certains spectacles, en particulier pour la promotion et l’encadrement de jeunes artistes, lui ont permis de montrer son savoir-faire. C’est le cas de l’institution des Journées camerounaises de la musique (Jcm) dont la deuxième édition s’est déroulée du 10 au 15 décembre 2007. “Tom Yom’s chante Eboa Lottin”, mieux Tycel ce concept qu’il organisait tous les deux ans, participe de la même philosophie. Promouvoir la culture de chez nous, la sauvegarder pour qu’elle ne tombe à jamais dans l’oubli ni en désuétude, tel était le credo de Tom Yom’s.
Tom Yom’s et son épouse s’apprêtaient à lancer pour le premier trimestre 2008, Rtm Tv, la chaîne de télévision du groupe. Une autre entreprise qui confirme que le promoteur de la première chaîne de radio privée à Douala était plus qu’un simple artiste. Il était à la fois entrepreneur culturel, c’est-à-dire opérateur économique et promoteur d’initiatives culturelles.
Un patriote engagé
“ On ne peut pas venir d’ailleurs et nous imposer une date pour la fête de la musique, qui ne corresponde à rien chez nous. En France, le 21 juin, c’est le début de l’été. Les gens sont joyeux, le beau temps revient. Chez nous, c’est la pluie qui domine encore en juin. Notre fête de la musique doit tenir de nos réalités. En décembre, il fait beau au Cameroun ”. C’était son dernier cheval de bataille après le bras de fer avec la Cmc au sujet du paiement de certains droits. Après une première édition moyennement réussie et qui a pourtant été élue par les internautes de l’opérateur de téléphonie mobile Orange “ évènement culturel de l’année 2006 ”, Tom Yom’s était fier du succès incontestable des Jcm 2007. “ Je suis tellement content de savoir que tout s’est très bien passé. Ça va me permettre de retrouver plus vite la santé pour rentrer au pays ”, me confiait-il encore le 15 décembre dernier, alors que je lui ai passé un coup de fil pour l’informer de l’ambiance extraordinaire qui régnait au stade Mbappè Lépé le soir du concert de clôture de la manifestation. Avec pas moins de 25 artistes camerounais, toutes générations et tous rythmes confondus.
Patriote et chantre de la mémoire historique du pays, quand il se lance à travers son père spirituel Eboa Lottin, dans la célébration des artistes camerounais qui sont passés de vie à trépas. Tom Yom’s chante Eboa Lottin (Tycel) était plus qu’un moment de souvenir, c’est un hommage pour la postérité. Ce poète visionnaire avait honte et mal de voir comment l’Etat fait si peu cas de ses fils et filles qui ont contribué à donner du plaisir et à faire rayonner l’image du Cameroun à l’intérieur comme à l’extérieur. Tycel était sa manière à lui de redonner une seconde vie à Eboa Lottin. Une idée qui n’a pas toujours été bien comprise par la famille de son père spirituel. Et Tom Yom’s n’ayant pu chanter son père spirituel pour les dix ans de sa mort, personne d’autre n’en a pris l’initiative. Malheureusement. Quelle tournure les choses vont-elles prendre maintenant que le fils est allé rejoindre le père ?
Tom Yom’s se sentait profondément investi d’une mission : sortir la culture camerounaise du chaos dans lequel elle s’est empêtrée depuis plusieurs décennies, puis la faire de nouveau rayonner en Afrique et dans le monde. D’où la multiplication d’initiatives et l’encouragement des projets allant dans ce sens. Avec toujours ce souci majeur d’orchestrer, de rassembler des énergies qui fédèrent les projets. Convaincu au plus profond de lui-même que deux intelligences valent mieux qu’une.
Simple, discret, drôle…
En privé, le père de famille responsable était à la fois très attentionné, d’après ses enfants, et simple, discret et drôle selon ses amis. Dans son domicile conjugal, derrière Lewat Hôtel à Bessenguè, Tom Yom’s prenait la vie comme elle est : simple. Et il n’était pas rare d’entendre des éclats de rire à la Eboa Lottin au cours d’une conversation libre. Histoire de dédramatisation un propos malheureux ou de détendre une situation quand quelqu’un commençait à monter le ton. Alors comme un sage, Tom Yom’s distillait des conseils, ramenait tout le monde à la raison. Une simplicité à laquelle il avait néanmoins fixé quelques limites.
Depuis plusieurs années avant d’avoir lié officiellement son cœur à Dinaly, il s’est résolu de mener une vie rangée. Très peu de sorties nocturnes, de balades en ville, de réceptions en dehors de son domicile. Car être une star cela impose bien des contraintes, une bonne hygiène de vie et des sacrifices. “ Le public doit ressentir chaque sortie de l’artiste comme un moment exceptionnellement privilégié de rencontre, une chance unique à saisir, un instant magique ”, pensait-il. Il était persuadé que la magie entre l’artiste et son public est d’autant forte que ses apparitions publiques sont gérées avec parcimonie. C’est qu’il avait un immense respect pour le public. Celui-là même qui, malgré la conjoncture économique généralement morose, était prêt à trouver de l’argent pour aller l’applaudir lors d’un spectacle. En fait, Tom Yom’s était surtout un humaniste chrétien qui avait un sens aigu de l’amour du prochain, de l’amour divin. C’est aussi pour cela que sa mort laisse un vide qu’il sera difficile de combler.
Obsèques
Un peu plus d’une semaine après son décès à Paris, le 25 décembre dernier, la dépouille mortelle de Tom Yom’s arrive cet après midi, 3 janvier, à l’aéroport de Douala. Une étape de plus du programme des obsèques qui a commencé avec la veillée parisienne, à l’Eglise Ste Marie des Batignolles dans le 17ème arrondissement. Une foule nombreuse d’amis, de proches et des membres de la famille du défunt y a pris part, aux côtés des autorités camerounaises locales.
Une fois au Cameroun, le corps de l’artiste va reposer à l’Hôpital général de Douala jusqu’au jeudi 10 janvier. Date à laquelle il en sortira pour une première veillée à la maison du Parti Rdpc de Bonanjo dès 19 heures. Puis la dépouille prendra la route, direction Dibombari, le village natal de Tom Yom’s. Là, une ultime veillée sera organisée le 11 janvier. Et le 12 janvier 2007, l’artiste sera inhumé sur la terre de ses ancêtres.





