Essai : Le marxisme ne mourra pas


C’est la thèse que soutient Roger Mondoué dans un ouvrage qui questionne les motivations des «nouveaux philosophes» français.

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Que sont les «nouveaux philosophes» devenus ? Ceux-là même qui enterrèrent le marxisme dans les années 70 et qui sur le sujet aujourd’hui glosent peu ? Deux questions dont les réponses pourraient utilement compléter l’ouvrage publié l’année dernière par l’universitaire Roger Mondoué chez L’Harmattan où il travaille. Un ouvrage qui revient sur la problématique de la disparition proclamée du marxisme par des penseurs qui depuis n’ont pas continué leur anathème sur une question qui continue de se poser alors même que des sociétés entières tentent par tous les moyens de faire vivifier une idéologie qui est finalement loin d’avoir livré tous ses secrets.
Dans une approche didactique, cet ouvrage revient sur les différents courants qui ont travaillé la marche du socialisme au siècle dernier. De l’antimarxisme au totalitarisme.

Avec en point d’orgue les différentes failles d’une doctrine qui avait pourtant éclôt sur l’envie d’en finir avec «cette dialectique historique qui supprime l’exploitation, l’oppression et les inégalités nationales et internationales au profit d’une réconciliation de l’homme avec lui-même, avec la nature et avec la société» ; bref un humanisme que des forces conservatrices allaient dévoyer par la suite au moyen d’un «anachronisme du discours», ou encore d’un «ethnocentrisme» doctrinal.
Mais là n’est pas la principale préoccupation de l’auteur. Qui pour démontrer la vacuité du discours des «nouveaux philosophes», prend l’option de les analyser aussi bien dans leurs intentions que leurs parcours respectifs. Et c’est là que Roger Mondoué démasque avec force détails les motivations qui ont commandé la posture de ces contempteurs d’une doctrine pour laquelle il semble par ailleurs avoir des affinités. Et pour que son procès soit sans appel, il s’appuie sur la figure du plus médiatique de la bande à savoir Jean-Marie Benoist qui n’avait pas moins proclamé du temps de sa splendeur que «Marx est mort».

Objectifs
Evoquant les «limites d’une élégie prophétique», M. Mondoué oppose tout d’abord Benoist et Benoist. Cela en analysant un ouvrage qui, s’il fit tant de bruit à sa sortie en 1970 –Marx est mort-, avait pour enjeu politique «la victoire du gaullisme» sorti malmené des événements de mai 68. Surtout que cet ouvrage semble «fonctionner comme un jeu métaphysique dont l’enjeu véritable est la reconquête des militants égarés sous l’ombrelle des partis pro-marxistes (…) ou alors la conduite dans le pâturage gaulliste des brebis égarées». Un prêche d’autant plus utile au pamphlétaire qu’il allait lui servir pour conforter sa position dans l’appareil étatique où en plus d’être attaché culturel à l’ambassade de France en Angleterre, il ne manqua pas de postuler à un mandat parlementaire.

Au bout de cette analyse, l’auteur aboutit à ce que la chute du marxisme est due à «son choc vers le futur et plus particulièrement l’effet de la Perestroïka initiée en Urss par Mikhaïl Gorbatchev». Une conclusion qui ne laisse cependant pas en rade Marx est mort qui «revêt un intérêt philosophique incontestable dans la mesure où il pose les jalons de l’idéologie néolibérale qui, à partir de la crise du marxisme, stipule que nous sommes à la fin de l’Histoire.» Une fin de l’Histoire qui est encore à venir tant le marxisme continuera d’exister après le marxisme.
Un marxisme qui a désormais un autre visage comme le «jinjigaige» chinois dont «l’objectif (…) est de briser le «rideau de bambou» sous lequel la Chine s’était enfermée avec Mao». Donc qui a mis un peu d’eau dans le vin du marxisme originel en adoptant des mesures pratiques comme l’appel des capitaux étrangers.
Une note d’optimisme qui traduit la posture même de l’auteur qui croit encore en l’avenir d’une doctrine qui rame à contre courant d’une «société (capitaliste) dans laquelle le travail ne sert plus à libérer l’homme mais plutôt à l’ancrer dans l’esclavage». Une doctrine dont le mérite réside selon Mondoué «dans le fait qu’il met en garde contre l’exploitation des nations que suppose l’expansion du mode de production privé».

P. T.

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