Littérature camerounaise : Jalons pour un nouveau départ ?


En parcourant la trajectoire de la littérature de son pays, Pierre Fandio dessine en filigrane les chantiers incontournables pour un avenir meilleur.

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A la vue du titre de l'ouvrage, "La littérature camerounaise dans le champ social", l'observateur averti de la chose littéraire au pays de Mongo Béti ne peut s'empêcher de penser aux différentes contributions du chercheur Pierre Fandio en service à l'Université de Buea. Des contributions au rang desquelles celle qu'il fit publier dans le hors série, deuxième du nom, du mensuel Patrimoine aujourd'hui disparu des kiosques. Il revenait alors sur la thématique de la "Diffusion et (la) consécration de la littérature nationale à l'époque coloniale : le paradoxe camerounais". Pour mieux édifier le lecteur sur les balbutiements de la littérature camerounaise ainsi que les premiers écueils qui se dressèrent sur son chemin.

Avec cet ouvrage qui restera sans doute dans les annales comme une contribution d'envergure sur la question de la "littérature camerounaise", l'auteur se veut plus critique. Lui qui promène le lecteur dans les dédales de cette notion aux contours souvent nébuleux pour le grand public avide d'en savoir toujours davantage. Car dans cette livraison, M. Fandio a procédé à une véritable enquête littéraire qui se positionne comme le prolongement de sa contribution sus-évoquée. Un prolongement que le lecteur peut observer dès l'amorce du livre. La table des matières présente ainsi un travail découpé en cinq chapitres portant sur autant de périodes de la littérature camerounaise.

Des chapitres qui démontent les éléments qui travaillent à déconstruire ou à endiguer la construction d'une institution littéraire au Cameroun. Dans le hors série de Patrimoine qui faisait une sorte d'état des lieux des "42 ans de la littérature camerounaise", Ambroise Kom faisait déjà remarquer au micro de Marcelin Vounda Etoa que "Il ne peut pas exister de littérature nationale sans institution". Sans doute du fait de la nature de l'exercice -c'était une interview- le chercheur ne put expliciter avec force arguments son point de vue. A la lecture de son collègue, les raisons de cette situation sont passées en revue. Avec méticulosité et précision, l'auteur ayant choisi d'aller au-delà des avis de collègues consignés dans des revues et autres publications. Lui qui a rencontré et échangé avec nombre d'acteurs de la chaîne du livre de son pays.

C'est ainsi que l'ouvrage fourmille d'anecdotes. Ce qui n'est pas pour déplaire le lecteur qui aurait pu craindre que pareille initiative ne soit plombée par un discours aseptisé de chercheur. Mieux, Pierre Fandio, dans un élan sans doute pédagogique, met un point d'honneur à introduire et à conclure tous les chapitres en plus de l'introduction et de la conclusion générales. Un effort que le choix d'exiler l'ensemble des notes, bien nombreuses et forts intéressantes, en fin d'ouvrage à côté de la bibliographie gâche quelque peu. L'autre regret réside aussi dans l'orthographe de certains auteurs bien connus de la place camerounaise par leurs travaux ou leur parcours. On lira ainsi Basseck ba Kobiho ou François Sengat Kwo tout au long du livre.

Pour le reste, l'absence des instituts de formation aux métiers du livre, pourtant promis par Paul Biya dès 1983, ainsi que de bibliothèques ou de librairies suffisantes constituent autant de pesanteurs qui auront empêché à l'institution littéraire camerounaise de ne jamais "réunir en même temps les paramètres essentiels pour faire du champ littéraire national une réalité endogène et dynamique". Une littérature qui, bien que commise pour l'essentiel depuis l'extérieur à la fin du travail d'investigation, c'est-à-dire à la fin du siècle dernier, a depuis quelques années connu un frémissement salutaire au plan local. Surtout pour ce qui est de l'édition dont les produits sont de plus visibles aussi bien en nombre qu'en qualité. Ce qui amène le lecteur à se demander si un nouveau travail n'est pas envisageable surtout lorsque l'on sait depuis Jacques de Bainville que "Pour comprendre une époque, ce n'est ni aux actes, ni aux discours publics, ni aux paroles des ministres qu'il faut en demander le sens. Seuls les écrivains dégagent et fixent l'idée générales des événements".

Parfait Tabapsi

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