Interview Jacky Toto Acte 1: «Le nom de Manu Dibango a été utilisé. Il est tombé dans un guet-apens» Le producteur de Samy Diko revient sur la tentative d’humiliation du célèbre musicien Manu Dibango par les dinosaures du pourvoir non sans défendre le bilan de leur équipe. Jacky heureux de vous retrouver à Bruxelles Naturellement! La Belgique et surtout Bruxelles c’est ma seconde patrie en Europe. Quand je suis arrivé en France, j’habitais à deux pas, près de Roubaix. Je fréquentais au lycée Pasteur de Lille au début des années 80. Que nous vaut votre visite à Bruxelles aujourd’hui? J’ai ma belle famille ici. J’ai beaucoup d’amis aussi ici et j’aime bien passer les fêtes à Bruxelles. Je retrouve un climat que j’aime beaucoup et ça me change un peu. Nous en profitons pour savoir ce que devient Jacky Toto sur le plan professionnel J’ai toujours plusieurs cartes dans ma poche. Si vous voulez aborder l’aspect musical, j’ai un peu levé le pied. Mais, j’ai une maison de production, Jacky Toto Production, qui sera toujours là. J’ai opté pour le volet droits d’auteur et droits voisins annexes à la musique. Je pense que c’est une bonne option parce que nous devons sensibiliser les ayant droits, les musiciens sur ce volet de la chose. J’ai compris qu’en fermant l’œil sur ce côté-là on passe à côté de beaucoup de choses. Droits d’auteur au Cameroun, parlons-en. Quelle est la situation de la gestion des droits d’auteurs dans votre pays d’origine ? Je suis l’un des fondateurs de la CMC avec Manu Dibango. La CMC a été créée il y a quelques années au forceps parce que la situation n’était pas du tout paisible. On n’a pas travaillé dans la sérénité, mais on a quand même créé cette CMC. Au départ, ça c’est très bien passé. Le Cameroun étant ce qu’il est, il s’avère qu’il y a des gens qui étaient tapis dans l’ombre, des gens pas très contents de nous voir impliqué dans cette histoire là et du coup, on a monté tout ce qui s’est passé pour créer une ambiance assez délétère. « Ferdinand Oyono sait pourquoi il est venu chercher Manu à Paris » Dans quel contexte la CMC a-t-elle été créée précisément? C’était dans un contexte préélectoral (en rapport avec les présidentielles du 11 octobre 2004 ndlr). Dès qu’au Cameroun on a su que Manu était arrivé pour la création de la nouvelle société des droits d’auteur des musiciens, on s’est rendu compte que son nom était cité dans tous les discours présidentiels lors de la campagne électorale. Le nom de Manu Dibango a été utilisé. On est tombé dans un guet-apens parce qu’on ne savait pas. Ferdinand Oyono sait pourquoi il est venu chercher Manu à Paris. Après les élections, avec tout ce qui s’est passé, les problèmes naissant de la CMC, il y a eu l’éviction de Manu. Certains estiment que l’équipe Manu Dibango n’a rien fait à la CMC, d’où la disgrâce après 18 mois d’inertie. C’est vrai ? Moi je pense qu’on ne peut pas parler de disgrâce car c’est ignorer les choses au niveau de la gestion d’une société comme la CMC que j’ai créée avec Manu Dibango en tête. J’ai rédigé les statuts de la CMC. Je suis gestionnaire d’une société que j’ai mise sur pied et qui a pignon sur rue en France. Je sais de quoi je parle. Quand on créé une société, il faut l’asseoir à la base. 18 mois c’est rien et en plus les conditions n’étaient pas réunies. On n’avait même pas de fonds de roulement. On a dû mettre la main dans nos poches pour assoir une société qui n’existait pas. Il fallait par exemple trouver une logistique qui est une lourde machine pour la direction générale, les agences provinciales. On s'est battu pour ces structures dans un premier temps. On savait que ça devait rouler calmement mais on nous a balancé les peaux de banane. Bref, on a passé 90% de notre temps à éviter les peaux de banane qui n’ont pas arrêté en amont comme en aval. « On me fait un procès d’intention » Aviez-vous des pressions gouvernementales ? Non, je ne mélange pas le gouvernement comme on a tendance à le faire avec le ministère de culture. Personnellement je n’ai jamais eu de problème avec le gouvernement. J’ai eu un malentendu avec le ministère de la culture parce que j’ai réagi. J’ai dit ce que je pensais du ministre de la culture au Cameroun et je persiste et signe là-dessus compte tenu du fonctionnement de ce ministère avec Oyono Ferdinand à sa tête. Nous pouvons en parler si vous voulez. Nous allons revenir sur ce volet plus loin. Vous avez mis sur pied une mauvaise fondation et la maison CMC est dès lors fragile selon certains observateurs. Je pense que c’est trop facile de faire une telle déclaration. Ceux qui se sentent à l’aise autour d’un chantier sont ceux-là même qui ne mettent pas la main à la pâte, ceux qui ne se salissent pas les mains. Ils ont facile à critiquer dans leurs coins. Il faut aller au four. Vos pourfendeurs disent que vous avez surfacturé la logistique de la CMC naissante notamment ses ordinateurs. Que leur répondez-vous? Je pense que c’est un procès d’intention qui marche pour celui qui veut entretenir cela. Personnellement, j’ai donné un coup de main à la CMC. Je n’ai jamais été payé. Combien d’ordinateurs avez-vous livré et quel était le prix de l’unité à la CMC ? Il y a avait quatre, du matériel performant. Il y avait des logiciels, des accessoires avec. Combien avez-vous investi dans l’achat des ordinateurs de la CMC ? Je ne peux pas vous le dire parce que je n’ai pas les chiffres en tête. Je ne me rappelle donc pas. Je suis en vacances ; je ne peux pas vous dire précisément combien. J’ai mes factures. C’est bien marqué noir sur blanc dans les comptes que la CMC a publiés. Comment se fait-il que vous ne soyez pas payé à ce jour si l’affaire était claire ? Je ne faisais pas une affaire. Je donnais un coup de main à une maison que j’ai créée en attendant qu’elle devienne rentable afin que je récupère mon investissement. Les factures n’ont-elles pas été bloquées pour des raisons de surfacturation et donc de détournement déguisée ? Pas du tout. La preuve c’est que dans leurs états financiers publiés pour incriminer l’équipe Manu, les 02 factures que j’avais émises par rapport à la livraison de ce matériel ne souffrent de rien. La seule chose que le cabinet Bekolo me reproche c’est au niveau du libellé de la facturation. Clairement, ils disent qu’au niveau du papier à en-tête du fournisseur, la société qui m’appartient, certaines informations manquent. Quelles sont les mentions qui n’apparaissent pas sur votre papier à en-tête ? Ils disent que dans l’en-tête de mon entreprise il n’y avait pas mon numéro de TVA intercommunautaire. Quelque chose de ce goût-là. Il ne vous reproche pas une prise d’intérêt dans ce marché-là ? Je vous dis que s’agissant de son libellé, l’état financier du cabinet Bekolo Partner ne me le reproche pas dans leurs conclusions. Il ne s’agit donc pas d’une société fictive ? Pas du tout! Ma société est légalement reconnue. Vous n’avez pas besoin de Jacky Toto pour savoir si je suis actionnaire ou gérant d’une société en Europe. Vous rentrez dans le site de la chambre de commerce de Paris, vous tapez Toto et ça vous sort tout ce que j’ai comme intérêts ou actions dans x ou y société. Ce n’est pas compliqué. Qu’allez-vous faire à présent de votre argent ? Je vais m’en occuper et je sais comment. Pour moi ce n’est pas un problème. Est-ce que c’est vrai ? Entre nous, je ne suis pas à ça prêt. La preuve ? Je ne les ai pas encore assigné. Donnez nous votre plan de bataille Non, je vais m’occuper de ce recouvrement et je sais comment ça va se passer. C’est pour bientôt ? J’ai tout mon temps. Ca fait deux ans que je n’ai pas touché cet argent, mais j’ai tout mon temps. « Manu ne voulait pas du Cameroun » Votre équipe avait-elle mis sur pied un système de gestion flou pour détourner d’énormes sommes d’argent à la CMC? Quand on parle de détournement, il faudrait déjà qu’il y ait de l’argent. Connaissant tout ce qui s’est passé avec la Socinada, on est quand même au Cameroun et on parle de quelques bricoles, de quelques millions de francs CFA qu’il fallait déjà percevoir. Combien ? Le problème c’est qu’au départ je ne suis pas d’accord qu’on parle de détournement. La fondation a été mise sur pied par moi personnellement. J’ai mis mes sous dans cette histoire, plusieurs dizaines de millions de Francs CFA que je n’ai jamais récupérés jusqu’aujourd’hui. Pour quels postes budgétaires avez-vous dépensez au tant d’argent ? J’ai acquis le matériel pour assoire la CMC. On ne compte pas mes déplacements. J’ai fait beaucoup de choses en tant que membres fondateurs de cette CMC, donc j’ai agit par rapport à moi personnellement d’abord. Je l’ai fait aussi en l’honneur du doyen Manu Dibango que j’ai ramené au Cameroun, Manu qui ne voulait d’ailleurs pas entendre parler du Cameroun. Manu ne voulait pas gérer la CMC ? Il m’a dit ‘’fiston, j’ai eu assez de merdes au Cameroun’’. J’ai eu du mal à le convaincre pour qu’il vienne nous donner un coup de main. Pour nous, on est tombé dans un guet-apens. On ne maîtrisait pas le réseau. C’est après qu’on a compris qu’une mafia avait décidé de faire main basse sur l’argent que génèrent les droits d’auteurs au Cameroun. Comment s’est-il alors retrouvé à la tête d’une société qu’il ne voulait? Au départ, C’est F. Oyono qui est venu nous chercher à Paris. Il est passé par moi pour que je leur amène Manu qui ne voulait même pas du Cameroun. Oyono ne l’intéresse même pas parce qu’il le connaît depuis des années. J’ai servi à ramener Manu au Cameroun parce que je savais qu’il y avait un problème de droits d’auteur à arranger absolument du fait que la Socinada était en liquidation. La commission de liquidation n’arrivait pas à boucler son travail. Il y avait une impasse et on est venu nous chercher à Paris où j’habite. Le public camerounais sait que Manu Dibango qui vit en France percevait un salaire mirobolant au Cameroun. Vous confirmez? Ca tombe bien! Quelques temps après, on se rend compte que l’équipe qui soi-disant a remplacé Manu a fait faire un faux bilan, des faux comptes pour diaboliser Manu et insulter son équipe d’où moi. Après le 16 avril 2005 (date de l’éviction de l’équipe Manu Dibango à la tête de la CMC ndlr) nous étions les 1ers à assigner cette équipe qui est arrivée et assigner le ministre de la culture en justice. Le juge s’est déclaré non compétent. On sait que le juge était sous pression. Le ministre d’Etat Oyono a fait de la pression pour que ce dossier soit muselé. Si on se reprochait quelque chose on n’allait pas porter plainte. On sait comment ça se passe au Cameroun. Vous n’avez pas répondu à ma préoccupation. Manu Dibango a-t-il pillé les caisses de la CMC? Je suis désolé ! Manu c’est quand même une icône au Cameroun, en Europe et partout dans le monde entier. Ce qui s’est passé c’est qu’au Cameroun, il y a une bande qui a décidé de profaner même nos monuments et c’est pour ça qu’on ne s’étonne pas que telles intentions soient prêtées à Manu Dibango. Celui qui a écrit l’hymne nationale du Cameroun a-t-il été honoré ? Y a–t-il une rue au Cameroun qui porte son nom ? Il n’y a qu’au pays qu’on voit tout ça. C’est une bande qui a décidé de profaner la culture, c’est tout. Je vous repose la question d’une autre façon. L’argent de la CMC a-t-il servi à Manu Dibango ? J’ai lu les interviewes de celui qui est le PDG de la CMC aujourd’hui Sam Mbendé dans les journaux Nyanga et compagnies, où il déclarait que Manu Dibango qui a quitté le Cameroun est venu toucher la sécurité sociale à la CMC. Manu n’a jamais été payé à la CMC, il a toujours payé ses billets d’avion comme moi pour se rendre au Cameroun. On les voit, ils touchent des millions de francs CFA par mois, ils ont des avantages en nature qu’on ne compte pas et Manu qui est le doyen de la musique camerounaise se fait vilipender par ce qu’il a dit non à la spoliation des artistes, ce n’est pas compliqué. Avez-vous présenté votre bilan de gestion ? Nous l’avons présenté et nous l’avons envoyé partout, même dans les instances internationales. L’équipe de la CMC actuelle affirme le contraire Ils ont tout confondu comme ils prennent les artistes pour des analphabètes. Malicieux qu’il est Sam Mbendé allait foutre tout le monde en taule. Les faux comptes de Manu Dibango. C’était fabriqué ! Ce n’est ni Jacky Toto, ni Manu Dibango qui géraient la CMC. Il y avait un DG, Monsieur Ndin Manga qui a été claire dans sa gestion. La preuve c’est qu’il est Cameroun. A-t-il fui ? S’il avait détourné, on sait où le trouver. Il est libre de tous ses mouvements. Nous avons assigné cette équipe et le juge s’est déclaré incompétent sous pression du ministère de la culture. Vous perdez la tête de la CMC et vous attaquez les nouveaux dirigeants au tribunal. Pour quelle raison ? Cette équipe a été imposée aux artistes et nous dénonçons la mascarade du 16 avril 2005 en invoquant la loi. Nous sommes la CMC légale et nous allons réhabiliter l’honneur de notre doyen Manu Dibango. Note de la rédaction : L’équipe Manu Dibango a été évincée lors de l’Assemblée générale de la CMC le 16 Avril 2005. Sam Mbendé a hérité d’une boîte en pleine construction. Quel regard porte l’équipe déchue sur la maison qu’elle a fondée ? Sur le ministre Ferdinand Oyono ? Quelle est la place de la CPMC sur le paysage des droits d’auteurs au Cameroun ? La suite avec le président de l’ADMC dans nos prochaines éditions.
Camer.be : Interview réalisée par Hermann Oswald G’nowa |