Gabao 2007 : Didier Awadi survole le festival


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Le Burkinabé a cartonné avec un rap violent, qui dénonce la gestion des présidents africains.
Marion Obam, à Libreville

En grande pompe pour la cinquième édition du Festival Gabao hip hop qui s’est tenue à Libreville du 28mai au 4 juin 2007, l’organisation avait annoncé la crème de rappeurs du label Eben. Il y avait Frank Ba’Mponga, Black Kôba, Movaizhaleine, qui tiennent la dragée haute du hip hop gabonais. Mais le véritable show est venu d’ailleurs. Le gars qui a donné à voir, à sentir et amené le public au bord de l’épuisement tout au long de sa prestation scénique, c’est le Sénégalais Didier Awadi, ancien du groupe Positive Black Soul, avec son nouveau groupe Phath4. Il ne l’avait pas fait sur un plateau, mais sur toutes les scènes où il est passé.

Le ton de ces spectacles a été donné par le plateau des sélections d’Afrique centrale à Owendo, à la périphérie de Libreville le jeudi 31 mai 2007 à 20h. Coz2 Rim de la Guinée Equatoriale a émerveillé avec son rap qui s’ouvre à diverses langues : fang, espagnol et français. La rime et la poésie saupoudrée d’un flow rapide ont été leur force. A côté, le Bawuta kin de la Rdc s’est lâché dans un rythme qui mêle les influences de la rumba congolaise et ndombolo sans pour autant dénaturer la base qui est le hip hop. Al salaam du Tchad, Bermo du Cameroun et le Skul mafia, en plus des textes, avaient une tenue de scène intéressante. Le public n’a vidé les lieux que vers deux heures du matin, pour se trouver dès 22h le vendredi 1er juin 2007 dans les jardins du Centre culturel français de Libreville, où se tenait le plateau rap fusion.

C’est Mix Evolution qui ouvre le spectacle avec un amalgame entre le djeeying et le veejeying. Sur scène, la vidéo, les platines et les micros sont mis ensemble pour explorer d’autres sentiers du hip hop. Pas très connu, leur passage a également souffert de sa longueur (80mn). Les Camerounais Koppo, Lady B, Wilfried et X-maléya ont chauffé la marée rouge, car les spectateurs étaient habillés aux couleurs de Celtel, l’opérateur de téléphonie mobile qui est le principal sponsor du festival Gabao hip hop. Une communion effective. Une gestion dynamique de la scène. Faire danser et accompagner le difficile public gabonais a été également un chalenge que les porteurs du vert-rouge-jaune ont parfaitement réussi. La tension est montée d’un cran quand Didier Awadi et son groupe, Freddy Massamba au chœur et Sissoko au Njembé et à la kora, ont occupé la scène à 1h 40mn.

Communion
Avec un survêtement blanc avec les bandes aux couleurs du Burkina Faso, Didier Awadi qui a pour guide spirituel Thomas Sankara a fait du live. Un spectacle de deux heures, qui a revisité son riche répertoire. Malgré l’âge, le bit est resté le même, agressif, précis et impressionnant. La main tantôt fermée pour dire que tout va mal en Afrique à cause des "colons", des présidents africains mais aussi de la jeunesse qui veut s’exiler en Europe. Puis, quand Didier ouvre sa main, il la transforme en manchette. Le verbe coupe dans la reprise de Wari Bana de Alpha Blondy. Il enchaîne avec les dénonciations. Le public est conquis. Tenus en haleine, les Gabonais réclament que Didier Awadi fasse "La république des voleurs". Il ne se fera pas prier. L’artiste leur demandant de dire qui il voulait "stopper". La réponse ici, est celle qui aurait pu être la même dans tous les pays africains, où le peuple se sent opprimé et vit des injustices.

Un spectacle qui a éclipsé le passage du Gabonais Franc Ba’ponga. Dans la foule, les spectateurs ont avoué que "Awadi [les] a fatigués". Movaizhaleine a essayé de relever le niveau, mais Didier avait placé la barre trop haute. C’est à 6h du matin que la marée rouge s’est dispersée dans la ville. Le scénario a été identique pour le lendemain, samedi 2 juin 2007, sur le plateau Rn’b. Et ce, malgré les prestations des poulains du label Eben, Black Kôba et La Fuenté. Le passage de Didier a transformé le public. Le Factor X tant attendu n’a pas fait le spectacle qu’on attendait pour un groupe à la renommée internationale. Mais le public gabonais a été là jusqu’au bout. Engagé, Présent, réceptif, vivant et manifestement connaisseur. C’est finalement lui qui a donné une vraie âme à la cinquième édition du festival Gabao hip hop, qui s’est achevé hier par le plateau Rap d’Elles avec Les Nubians, Lady B, Naneth, Yollande et Alda.
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