Sécurité sociale.
Le règne de l’emploi illégal La plupart des employeurs de l’Océan refusent d’affilier leurs employés à la Cnps
Ambiance dans les services de la Cnps Kribi
Sur la route qui mène au marché central de Kribi, non loin de la brigade de gendarmerie de la cité balnéaire, se dresse un vaste bâtiment. En face, une plaque indique que le bâtiment délabré, qui se trouve à l’arrière, abrite la prison principale de Kribi. Sur le frontispice de ce bâtiment, s’affichent les écriteaux indiquant la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) de Kribi. En cette heure avancée de la journée (il est 14h), on note un incessant va et vient dans la vaste salle d’accueil de la structure. Ça et là, on aperçoit des usagers qui entrent et sortent, ou devisent dans les différents couloirs.
A notre arrivée, nous rencontrons Mme Wellisane, épouse Ephrart, tenant dans ses mains un lot de documents. Elle est la propriétaire de la « Marmite de Mole », un restaurant chic de la cité. « Je suis venue faire immatriculer mes employés à la Cnps et j’ai fini. Je crois que je vais rentrer et c’est mon enfant qui va revenir demain finaliser le dossier », déclare-t-elle au reporter.
Une autre dame, Mme Marie, affirme qu’elle est venue toucher ses frais de pension familiale, dus à son récent accouchement. Dans tous les bureaux, les responsables sont attelés à des tâches plus ou moins importantes. Dans la section des pensions, des prestations familiales, des recouvrements, de la comptabilité et des risques professionnels, c’est la fébrilité totale. Un employé explique: « Elle est quotidienne. Nous avons trop de travail ici et il n’y a pas une seule seconde de repos si on peut satisfaire tous les pensionnaires. »
Dans le couloir qui mène au bureau du chef de centre Cnps de Kribi, on peut lire sur toutes les portes la profession de foi de cette structure. « Bien accueillir et bien servir. Vite servir et servir de manière désintéressée, telle est notre préoccupation… »
Le responsable de la sécurité sociale dans l’Océan reconnaît tout de même quelques défaillances de ses services, et s’explique. Sur les retards que connaissent certains retraités dans le payement de leurs pensions, le chef de centre accuse. « Nous appelons parfois nos retraités à venir compléter le dossier, sans succès et cela peut prendre beaucoup de temps. Je reconnais que certaines lenteurs sont dues au personnel de la Cnps dans le traitement des dossiers des retraités. Mais c’est exogène ».
Employeurs récalcitrants
Le chef du centre de Cnps de Kribi, Jean David Mvondo, est très à l’aise pour parler du sujet, comme s’il voulait que les employeurs comprennent bien le message. Il ne rate pas l’occasion pour encenser la structure et vanter ses prestations. « Les jours que le commun des mortels appelle ordinaires, nous ne restons pas les bras croisés car la Cnps est un service continue. Nous traitons les nombreux dossiers qu’on nous envoie chaque jour car chaque jour, il y a au moins un travailleur qui a atteint 60 ans. Nous faisons la correspondance avec d’autres partenaires. Nous ne manquons pas de nous rapprocher des employeurs pour faire des recouvrements, prendre les cotisations et faire les contentieux avec ceux qui refusent de payer ». Jean David Mvondo précise que « contrairement à ce que les gens pensent, nous avons aussi les payements apériodiques qui permettent aux pensionnaires de toucher à tout moment. Il s’agit des indemnités journalières, les premiers droits de prestations familiales ».
Sur la situation des entreprises qui affilient leurs employés à la caisse, le chef de centre reste évasif. Il précise tout de même que « les sociétés cotisent mais la plupart refuse de prendre en charge la totalité de leurs employés, et cela empêche que l’on puisse prendre en charge les employés en cas d’accident », avant d’ajouter: « Nous avons beaucoup de récalcitrants qui refusent de payer et les micro entreprises se jouent de nous. Quand nous arrivons dans ces structures, les employés que nous trouvons sur place nous disent qu’ils ne sont pas des employés mais des cousins et des neveux venus soutenir l’entreprise. Alors que nous savons que c’est faux, mais nous n’y pouvons rien. Ils doivent savoir que c’est à eux qu’ils nuisent car même la femme de ménage doit être affiliée. Ce qui est encore inacceptable pour la plupart des employeurs de l’Océan».
Pour justifier ce faible taux d’affiliation à la Cnps, le chef de centre précise que « les employés sont ignorants de leurs droits et peuvent venir se faire immatriculer directement avec la lettre d’engagement. Mais dans la contexte actuel où le marché du travail est difficile, l’employé n’a pas de force car il est menacé d’être jeté dans la rue au cas où il lui venait l’idée d’aller rencontrer la Cnps ».
Complicité des impôts
Pour obliger les mauvais employeurs à payer, le chef de centre précise qu’il n’y a que le service des impôts, avec qui la Cnps a une convention depuis 2001, qui peut faire pression sur ces employeurs lors des recouvrements fiscaux. Depuis cette date, les services des impôts ont pour obligation, avant la délivrance des quittances ou des fiches, de s’assurer que la structure en question s’est effectivement acquitté de ses droits à la Cnps, notamment en affiliant les employés et en payant effectivement les cotisations. On a même noté dans certaines régions du pays, la pose des scellés sur certaines structures par les services des impôts, à la demande de la Cnps. Sauf que, après négociations avec les patrons, les scellés sont souvent levés sans que la situation des employés ne change, pour ne plus jamais changer.
Le chef de centre Cnps de Kribi, Jean David Mvondo affirme que quand l’employeur est débiteur à la Cnps, qu’on devrait engager les actions judiciaires contre eux. Car ils détournent les cotisations de leurs employés qui se retrouvent sans pension à la fin de leur travail. Il est en effet fréquent que des employeurs fassent croire aux employés qu’ils sont affiliés, et leur fournissent même des bulletins de paye, alors que ces derniers n’ont pas de numéro d’immatriculation, seul élément pouvant permettre l’identification du travailleur à la sécurité sociale. Une situation irrémédiable et déplorable





