Transport : La visite technique ne fait pas courir


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Les automobilistes semblent la considérer plus comme une formalité qu'une nécessité.

Le carrefour Saint Michel à Douala est passé pour être le lieu de stationnement des "cargos" et autres véhicules en partance pour l'axe Douala-Yaoundé. De jour comme de nuit, des dizaines d'automobiles y sont en effet garés attendant de faire le plein. Quelques minutes suffisent aux passagers pour s'engouffrer dans ces guimbardes dont les gaz provenant des tuyaux d'échappement pourraient courroucer un fervent défenseur de la couche d'ozone. Ne parlons pas de la carrosserie qui, depuis fort longtemps, a pris un coup de vieux. Un bref examen visuel qui enverrait bien la clique de Saint Michel dans un centre de contrôle technique de véhicule (Ctv). Mais ce n'est visiblement pas aux concernés qu'il faudra suggérer pareille inspection.

"La visite technique c'est pour les voitures cylindrés, pas pour les épaves comme ma Hiace", lance un automobiliste, dans un fou sourire qui masque mal son énervement. "C'est pourtant le malade qui a besoin de consultation médicale", insiste Léonce Bokalli, chef adjoint du centre de Ctv d'Hydrac. "Nos pistes de contrôles sont à mesure d'accueillir plus de 380 véhicules par jour. Mais nous n'en recevons qu'une centaine par jour", poursuit-il. En tout cas, on comprend mieux pourquoi, à quelques mètres de là, les centres de contrôles techniques sont déserts. Les pistes des centres d'Hydrocarbures analyses contrôles (Hydrac) et World Cameroon Industries (Wci) accueillent en effet quelques rares "consciencieux". Pas l'ombre d'un taxi. Une séance de contrôle technique n'est pourtant pas de la mer à boire si l'on s'en tient à l'avis des promoteurs de Ctv.

Lors du contrôle technique de véhicule, "le technicien vérifie que toutes les pièces maîtresses du véhicule répondent aux normes du transport routier. Qu'il s'agisse du système de freinage, de l'état des pneus ou de celui du moteur, tout est passé au peigne fin au moyen des machines", renseigne Flaure Kammogne, directrice de l'agence Wci à Douala. En effet, l'article 6 de la loi n°96/07 du 08 Avril 1997 portant organisation du patrimoine routier, rappelle qu'"au cours des visites techniques, sont vérifiés l'état, le fonctionnement et la conformité aux dispositions du Code de la Route, des différents organes des véhicules. Notamment : l'état de châssis et éléments de châssis. L'état de suspension essieu, la direction, le freinage, la transmission, l'éclairage et la signalisation. Les roues et les pneus, la carrosserie, l'équipement et tous autres contrôles jugés nécessaires au bon fonctionnement du véhicule".

Réseau
Pour bénéficier du contrôle technique de son véhicule, les prix homologués par le ministère des Transports prévoient 9.540 francs Cfa pour les voitures dits "personnels" et 4.800 francs Cfa pour les taxis et autres voitures utilitaires. Mais, il faut croire que certains préfèrent débourser plus pour éviter "la peine" de passer sous le scanner d'un centre de contrôle technique agréé. Dans son atelier de mécanique à Saint Michel, Eric Mbeutcha s'active à démonter un taxi manifestement mal en point. Sur la vitre du véhicule en réparation, est collée une vignette sécurisée au papier défraîchi. Malgré son état de vétusté, la présence de la vignette certifie que l'automobile en question a suivi un Ctv, puisque c'est au terme d'un examen concluant que l'usager reçoit ladite vignette sécurisée. Comment expliquer donc qu'une épave telle que le véhicule de M. Mbeutcha ait bénéficié d'une vignette sécurisée ? "Il ne faut pas faire attention à la carrosserie.

L'essentiel, en fait, c'est que le moteur fonctionne. C'est cette marge de tolérance qui m'a donné droit à la vignette", explique Eric Mbeutcha. La vérité serait pourtant ailleurs, à en croire d'autres. Certains conducteurs s'octroieraient des vignettes et des certificats de visite (délivrés uniquement par les services techniques compétents du ministère des Transports ou par un organisme public ou privé agréé par le ministre des Transports) par le biais des réseaux inavoués. "Des individus à la mentalité déplorable ont fait de la délivrance des vignettes de visite technique un fond de commerce", s'insurge M Bokalli. Ce qui explique pourquoi certains dérogent à la procédure de délivrance de certificat et de vignette. Donc, pas absolument besoin de passer sous le scanner des machines de centres de contrôle pour avoir le sésame. Quelques billets verts et une entrée dans les services de transports, suffisent pour obtenir son certificat de visite technique…sur place.

Monique Ngo Mayag

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