Théâtre camerounais : les planches du salut


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La journée mondiale du Théâtre, édition 2011, s’est célébrée le 27 mars dernier. Dans certains pays de la planète, en tout cas. Au Cameroun, l’événement n’a pas spécialement agité l’actualité. Un homme de théâtre joint par CT à ce sujet pensait d’ailleurs que la célébration était plutôt prévue ce 30 mars. Pas vraiment étonnant tout ça : le théâtre, sous nos cieux, ne retient que modérément l’attention de l’opinion publique désormais. Chacun peut s’interroger sur ses habitudes de consommation en la matière, se demander s’il aime le théâtre – comme d’autres peuvent aimer le football, les conférences-débats ou les cabarets. Guillaume Oyono Mbia, dans un entretien avec votre journal, disait que cet art a perdu en considération vis-à-vis du public au Cameroun. L’expression « Va faire ton théâtre ailleurs ! » est révélatrice à cet égard. Les planches coulent-elles pour ne plus jamais refaire surface ? Il ne faut pas le souhaiter. Le théâtre a tellement apporté au Cameroun qu’il ne peut, ne doit que repartir.

« Vers la fin des années 80, il y avait des scènes. Kankan jouait, Daniel Ndo jouait, Dave [K. Moktoi] jouait et il y avait du monde », se souvient, un rien nostalgique, Jérôme Roger Etoundi Zeyang, promoteur du Théâtre du Chocolat. Bien avant cette époque, c’est sur la scène internationale que le Cameroun brillait, à travers des dramaturges inspirés. Oyono Mbia, Georges Abelard, Raymond Ekossono, Abel Zomo Bem et autres Bidoung Mkpatt ont, grâce à leurs écrits, enlevé des distinctions comme le Prix Rfi du concours théâtral interafricain.

Rejouer les premiers rôles

Autre illustration de la vitalité d’alors du théâtre camerounais, l’existence de troupes disposant d’équipes permanentes. Certains se souviennent peut-être du « Théâtre expérimental » de Daniel Ndo, des « Tréteaux d’ébène » ou encore des « Etudiants associés », qui offraient des prestations, remplissant la mission de distraire et d’éduquer attribuée au théâtre. Relevons que de nombreux emplois (producteur, metteur en scène, dramaturge, comédien, décorateur, costumier, éclairagiste, etc.) étaient générés par ce bouillonnement. Et puis, les choses ont commencé à se gâter. « Avec la crise économique est survenue la crise artistique », analyse un dramaturge camerounais, qui reproche aux pouvoirs publics de n’avoir pas su préserver, malgré tout, le filon. De n’avoir pas pu maintenir en vie cette poule si fertile en œufs d’or. Le Théâtre national, poussin chéri de cette poule, si l’on peut dire, a lui-même eu du mal à son duvet – problèmes de moyens, puis, à un moment, de ressources humaines.

Avec la survenue d’une crise apparaissent souvent des recompositions, des reconfigurations. A la place des comédiens sont apparus des « gombistes », assure Etoundi Zeyang. La qualité des productions et des prestations s’en est ressentie (il y a quand même une sacrée différence entre un bouffon peinturluré et un authentique comédien). Ce qui a davantage rebuté un public déjà en cours de sevrage, s’agissant du théâtre de qualité. En somme, un cercle vicieux dont il faut sortir pour que l’art théâtral camerounais retrouve son éclat d’antan. Les conditions du redécollage existent, et c’est sur elles que CT se penche dans le présent dossier. Une voix autorisée l’a dit au Mincult, notre culture est industrialisable, et peut apporter beaucoup sur la scène du développement économique, de la création de richesses. Sur pareil terrain, un théâtre camerounais adéquatement remis en selle jouerait, à n’en pas douter, les premiers rôles.


Alliance NYOBIA

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