Les habitués des bibliothèques et librairies au Cameroun ne peuvent pas dire qu’ils sont peu servis par leurs compatriotes. Les auteurs camerounais sont visiblement très gâtés par la muse depuis deux ans au moins. Ceux qui n’affectionnent pas la collection «L’appel du peuple» (recueil de motions de soutien rendu à son tome V et adressé au président de la République Paul Biya en vue de l’échéance électorale d’octobre 2011 ndlr ) édité par «Sopecam», ont l’embarras du choix entre de nombreux autres ouvrages parus récemment.
Les amateurs d’anecdotes bien épicées au ballon rond peuvent se servir dans l’autobiographie de l’ancien gardien de buts camerounais, Joseph Antoine Bell. Les férus d’épopées footballistiques sont également servis dans l’ouvrage du journaliste Jean Bruno Tagne, «Programmés pour échouer», paru en janvier 2011 aux Editions du Schabel.
Laquelle maison d’édition a par ailleurs permis la sortie de «Vu de ma cage» de Joseph Antoine Bell. Mais le football n’est pas le seul à se feuilleter dans les rayons de librairies.
La politique n’est pas en reste. Et c’est le moins qu’on puisse dire. Charles Ateba Eyene ne dira pas le contraire. L’auteur des «paradoxes du pays organisateur» (sorti en juin 2008) aiguise sa plume dans les sujets politiques. L’une de ses dernières livraisons est baptisée «Rdpc la reprise en main du parti par le président national» (paru en juillet 2010 aux éditions Saint Paul). L’on ne peut oublier, la séance de dédicace du livre intitulé «Georges Pompidou l’Africain» de l’écrivain camerounais Philippe Moudié qui a eu lieu récemment à Yaoundé. Sport et politique, c’est à se demander si ces deux thèmes sont les plus vendeurs au Cameroun ? Ou sont-ce les sujets de prédilection des auteurs camerounais ?
«Pas tout à fait», rétorque Eric Nyitouck, du service d’édition à L’harmattan Cameroun à Yaoundé. «Les manuscrits que nous recevons sont majoritairement les romans, les poésies, les pièces théâtrales, les ouvrages didactiques», rajoute-t-il. Pourtant, la politique reste très médiatique et médiatisée. Un signe trompeur alors ? «Le sujet politique est plus prisé par les leaders, très souvent en quête de positionnement. Surtout en cette veille d’élections présidentielles», analyse M. Nyitouck. Et le football alors, un autre sujet de positionnement ? Est-on tenté de demander, d’autant plus que les ouvrages sur le «sport roi» pullulent en ces lendemains de la débâcle des Lions indomptables au mondial sud-africain de 2010. Jean Marie Nzekoue, éditorialiste au quotidien gouvernemental «Cameroon tribune» a d’ailleurs revisité «L’aventure mondiale du football africain» paru en février 2011 à L’harmattan.
«Il y a en effet comme une recrudescence d’ouvrages qui collent à l’actualité», constate Vincent-de-Paul Lele, responsable littéraire et de la production aux éditions Centre de littérature évangélique (Cle). «La politique camerounaise et celle d’outre mer semblent des sujets vendeurs pour les auteurs et les éditeurs. Nous recevons beaucoup de manifestes de politiciens. Lesquels renferment leur profession de foi ou souvent, leur vision pour un Cameroun meilleur», rajoute ce dernier. Vincent de Paul Lele constate que le sujet politique est peut-être porteur, mais la qualité rédactionnelle de certains auteurs laisse à désirer. «Ils ont plus le souci de sortir leur ouvrage dans les délais qui collent à l’actualité», déclare-t-il. Par ailleurs, apprend-on aux éditions Clé, les ouvrages les plus lus sont les essais (politiques). Un fait confirmé à la librairie «Peuples Noirs» au quartier Tsinga à Yaoundé.
Réalités
Dans cette librairie d’Odile Tobner (veuve de l’écrivain Alexandre Biyidi alias Mongo Beti), l’un des «best seller» est l’ouvrage de Charles Ateba Eyene intitulé «Le management de l’opacité et les drames de la société camerounaise». «Nous en avons vendu 50 exemplaires depuis fin décembre 2010», renseigne Mme Nyabon, l’un des responsables de la librairie «Peuples Noirs». Cette dernière signale par ailleurs que 30 exemplaires (vendu à 10.000 francs Cfa l’unité) du livre de Jean Bruno Tagne, «Programmés pour échouer» ont été liquidés depuis sa sortie en janvier 2011. Les éditions du Schabel frappent ainsi un grand coup en misant sur «le sport roi». Haman Mana, directeur des Editions du Schabel ne le perçoit pas ainsi. «Nous ne sommes pas véritablement des généralistes ni résolument tournés vers des livres sportifs», précise-t-il. «En réalité, nous sommes spécialisés dans la publication du beau livre (livre, généralement de grand format, comportant des illustrations de grande taille et imprimées avec soin ndlr)», affirme Haman Mana.
«Il se trouve que nous publions les livres pour lesquels nous avons un coup de coeur», poursuit celui qui totalise 4 parutions dont deux à connotation sportive («vu de ma cage» de Joseph Antoine Bell et «Programmés pour échouer» de Jean Bruno Tagne).
Toutefois, Haman Mana révèle que la plupart de manuscrits qu’il reçoit sont des livres de fiction (romans entre autres). Lesquels, apprend-on, se taillent 30% de la masse livresque acheminée aux Editions du Schabel. En effet, beaucoup d’auteurs camerounais font des détours romanesques. On peut ainsi s’évader en lisant «Le chaudron des sorciers qui tiennent le crayon long» du Professeur Laurent Charles Boyomo Assala. Livre paru en août 2010 aux éditions Presse de l’université catholique d’Afrique centrale.
On peut également apprécier en 506 pages, le style romanesque de Patrice Nganang dans son ouvrage titré «Mont plaisant» paru le 6 janvier 2011, aux éditions Philippe Rey (en France). Les lecteurs camerounais ont donc de quoi lire, en attendant le tome 2 plus soigné de l’oeuvre autobiographique de Roger Milla. Bien que préfacé par Sepp Blatter, président de la fédération international de football association (Fifa), le tome 1 de «l’épreuve de ma foi ou l’histoire d’un buteur devenu ambassadeur» n’était pas à la hauteur de son illustre auteur. Preuve que le football ne plaît pas à tous les coups.
Monique Ngo Mayag et Jean Daniel Obama (stagiaire)





